Face à une économie mondiale dominée par le dollar et l’euro, le président rwandais Paul Kagame appelle à un sursaut du continent pour créer une monnaie africaine commune afin d’assurer une souveraineté économique réelle et durable.
Une vision africaine de la souveraineté monétaire
Le président rwandais n’a jamais caché son ambition de voir émerger une Afrique économiquement indépendante. Lors d’une récente intervention, il a défendu l’idée d’une monnaie africaine unique, adossée à des ressources tangibles comme l’or, le pétrole, les minerais et les terres rares, estimant que « l’Afrique ne peut pas être souveraine tant qu’elle dépend de monnaies étrangères ».
Paul Kagame a souligné l’absurdité du système actuel : « Aujourd’hui, un citoyen de Sierra Leone ne peut pas utiliser le Leone au Nigeria, alors que nous appartenons au même continent. Cette fragmentation monétaire freine notre commerce intérieur et contredit l’esprit de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). »
L’ombre du “dinar or africain” de Kadhafi
L’idée défendue par Kagame n’est pas nouvelle. Dans les années 2000, Mouammar Kadhafi avait déjà proposé une monnaie panafricaine basée sur l’or, baptisée le « dinar or africain ». Ce projet s’inscrivait dans une vision plus large : la création d’une Banque centrale africaine et d’un système monétaire indépendant des institutions financières occidentales.
À l’époque, le dossier avait été porté devant l’Union africaine (UA) et le Parlement panafricain, avec un horizon d’adoption fixé vers 2023. Mais les divergences politiques, les pressions internationales et les crises internes ont eu raison de cette ambition.
Un projet stratégique mais semé d’obstacles
Aujourd’hui, le continent compte plus de 40 monnaies nationales et plusieurs zones monétaires distinctes, comme la zone franc et la Communauté d’Afrique de l’Est. La mise en place d’une monnaie unique nécessiterait un consensus politique fort, une harmonisation fiscale et la création d’une infrastructure financière commune.
Selon plusieurs économistes africains, une monnaie unique adossée aux ressources naturelles pourrait stabiliser les échanges internes, valoriser les matières premières locales et réduire la dépendance aux fluctuations du dollar. Mais le défi reste gigantesque : construire une confiance interétatique durable dans un contexte où les intérêts économiques divergent fortement d’un pays à l’autre.
Un débat relancé par les tensions monétaires mondiales
Le contexte international donne du poids à l’initiative. Depuis la pandémie et la guerre en Ukraine, l’Afrique subit une volatilité accrue du dollar et une hausse des coûts d’importation. De plus en plus de nations cherchent des alternatives, à l’image des BRICS, qui promeuvent un système commercial dédollarisé.
Dans ce climat, la proposition de Paul Kagame apparaît comme une voix de leadership continental, invitant l’Afrique à « penser ses solutions financièrement et politiquement africaines ».
Vers une renaissance panafricaine ?