C’est une page qui se tourne au sommet de la hiérarchie militaire française. Le général Thierry Burkhard, chef d’état-major des armées (CEMA), va quitter ses fonctions après quatre années marquées par des tensions géopolitiques majeures, des réformes internes et une transformation stratégique de l’outil militaire national. L’annonce de son départ a été faite ce mercredi 23 juillet par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, via le réseau social X (anciennement Twitter). Son successeur est déjà connu : il s’agit du général d’armée aérienne Fabien Mandon, actuel chef d’état-major particulier du président de la République. Retour sur le parcours, l’héritage et la signification de ce changement à la tête des armées.
A lire aussi : Volodymyr Zelensky sous pression après une loi anticorruption controversée
Une figure de l’armée, entre discrétion et vision stratégique
Le général Thierry Burkhard n’est pas un militaire comme les autres. Officier issu de l’infanterie, ancien légionnaire et chef d’état-major de l’armée de Terre, il avait été nommé à la tête de toutes les armées françaises le 22 juillet 2021. Il succédait alors au général François Lecointre, après une carrière exemplaire jalonnée d’engagements opérationnels sur plusieurs théâtres d’intervention, du Kosovo à l’Afrique.
Son style, sobre mais ferme, a rapidement marqué les esprits. Thierry Burkhard a porté une vision stratégique résolument tournée vers l’avenir, avec une insistance particulière sur l’évolution des menaces hybrides, cybernétiques et informationnelles. Dans un contexte de guerre en Ukraine, de tensions en Afrique et de réajustement des alliances internationales, il a cherché à renforcer la cohérence des moyens français tout en modernisant l'appareil militaire.
Le ministre des Armées Sébastien Lecornu l’a salué en ces termes : « Son commandement s’est distingué par une vision stratégique lucide des menaces et par sa volonté constante d’adapter nos armées pour y faire face. »
Quatre années de commandement dans un contexte tendu
Le mandat du général Thierry Burkhard s’est déroulé sur une période mouvementée pour la défense française. Quatre ans de défis militaires, diplomatiques et structurels. Son action a notamment été marquée par :
-
La fin de l’opération Barkhane : le retrait progressif des troupes françaises du Sahel, après des années de lutte contre les groupes djihadistes au Mali, au Burkina Faso et au Niger.
-
Le repositionnement stratégique de la France en Afrique, mais aussi en Indo-Pacifique, avec un effort renforcé sur les zones d’influence émergentes.
-
La guerre en Ukraine, qui a totalement redéfini la perception des menaces en Europe et conduit l’armée française à adapter ses plans, renforcer sa présence en Europe de l’Est et accélérer sa transformation.
Le 11 juillet dernier, dans une rare conférence de presse tenue au ministère des Armées, Thierry Burkhard évoquait ouvertement les risques liés à la Russie, pointant « une militarisation accélérée et une stratégie d’influence globale » du Kremlin. Une prise de parole symbolique qui sonnait déjà comme un adieu programmé.
L’officier fêtera son 61e anniversaire le 30 juillet prochain, et son départ intervient dans la continuité de son prédécesseur : quatre années de service en tant que chef d’état-major des armées, une durée quasi symbolique dans ce poste ultra-exposé.
Fabien Mandon, un nouveau souffle à la tête des armées ?
Son successeur, le général Fabien Mandon, représente un choix à la fois stratégique et politique. Actuel chef d’état-major particulier d’Emmanuel Macron, il connaît parfaitement les rouages du pouvoir exécutif et les attentes de l’Élysée en matière de défense. Son profil est moins opérationnel que celui de Burkhard, mais il incarne une génération d’officiers tournés vers l’interopérabilité, l’intégration européenne et la haute technologie militaire.
La nomination de Fabien Mandon devrait aussi coïncider avec une phase nouvelle de la transformation militaire française. Il lui reviendra notamment de piloter la mise en œuvre de la nouvelle Loi de programmation militaire (2024-2030), un chantier titanesque avec plus de 400 milliards d’euros d’investissements prévus pour moderniser les forces.
Ce passage de témoin ne marque donc pas une rupture, mais une continuité dans l’ambition stratégique française. Pour autant, le départ de Thierry Burkhard ne laissera pas indifférent. Celui qui a incarné la résilience et l’adaptation au sommet des armées françaises s’en va avec la reconnaissance de ses pairs et le respect du pouvoir politique.
Thierry Burkhard restera sans doute dans l’histoire militaire contemporaine comme l’un des derniers grands stratèges de l’après-Barkhane, en pleine recomposition mondiale. La France, elle, entre dans une nouvelle phase, avec de nouveaux visages, mais des défis toujours plus pressants.