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G20 à Johannesburg : L'Afrique attend. Encore. Toujours.

Publié le 17 novembre 2025Politique0 vues
G20 à Johannesburg : L'Afrique attend. Encore. Toujours.

Pour la première fois, le G20 se tient en Afrique. Johannesburg nettoie ses trottoirs, cache ses bidonvilles, et promet « Solidarité, Égalité, Durabilité ». Mais dans les rues, les panneaux du sommet sont vandalisés. Le message ? « Nous voulons des emplois, pas des slogans. »

22-23 novembre 2025. Johannesburg, Afrique du Sud. Les 19 plus grandes économies du monde, l'Union européenne et l'Union africaine se réunissent pour décider de l'avenir de la planète. Enfin, officiellement.

Dans les faits ? Ce sera deux jours de discours, de promesses, de communiqués sans engagements contraignants, de photos de groupe où tout le monde sourit pendant que le monde brûle.

Mais cette fois, c'est différent, nous dit-on. Cette fois, c'est en Afrique.

Vraiment ?

Alors pourquoi Johannesburg a-t-elle attendu que les caméras du monde entier arrivent pour boucher les nids-de-poule que ses habitants esquivent depuis des années ? Pourquoi les bulldozers déblaient-ils en urgence les montagnes de déchets que personne ne ramassait avant ?

Et surtout : qu'est-ce que l'Afrique attend réellement de ce sommet ?

Spoiler : beaucoup. Trop, peut-être.


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Johannesburg : Ou comment balayer sa maison uniquement quand les invités arrivent

Gracious, conductrice de VTC à Johannesburg, résume parfaitement l'absurdité :

« Comment pouvez-vous balayer votre maison uniquement lorsque vous avez des invités ? »

Cette question, chaque Johannesbourgeois se la pose depuis que les travaux d'embellissement ont commencé. Soudain, les nids-de-poule sont comblés. Soudain, les trottoirs sont balayés. Soudain, on plante même des fleurs.

Abigail Thando, courtière en assurance de 34 ans, ne décolère pas :

« C'est vraiment honteux qu'il faille attendre que des personnalités étrangères visitent l'Afrique du Sud pour qu'on passe à l'action. »

Johannesburg, c'est le paradoxe africain incarné.

La ville abrite le plus grand nombre de millionnaires du continent. Mais à quelques kilomètres des quartiers ultra-sécurisés, des égouts coulent à ciel ouvert. Des immeubles s'effondrent. Des gangs criminels contrôlent des buildings entiers où s'entassent des migrants en situation irrégulière.

En 2023, 70 personnes ont péri dans l'incendie d'un immeuble – propriété de la municipalité, inscrit au patrimoine, mais laissé à l'abandon.

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La Constitution promet. La réalité trahit.

Selon la Constitution sud-africaine, l'accès à l'eau, à l'électricité et à des sanitaires est un droit élémentaire. Y compris dans les bidonvilles.

Belle promesse. Lettre morte.

Pas une semaine ne passe sans que des habitants descendent dans la rue pour réclamer l'eau courante, l'électricité ou le ramassage des ordures. Le chômage culmine à 32%. Chez les jeunes, il dépasse 60%.

Et quand un panneau du G20 est installé en ville, il est immédiatement vandalisé. Message inscrit en rouge :

« NOUS VOULONS DES EMPLOIS. »

Pas de la diplomatie. Pas des discours. Des emplois.

Voilà la réalité que les cortèges de limousines éviteront soigneusement en roulant du centre de conférences Nasrec aux hôtels de luxe.

« Solidarité, Égalité, Durabilité » : Le slogan qui se moque de lui-même

Le thème officiel du G20 2025 ? « Solidarité, Égalité, Durabilité ».

Magnifique. Poétique. Totalement déconnecté.

Comment l'Afrique du Sud peut-elle parler de solidarité quand ses propres citoyens n'ont pas accès à l'eau ?

Comment parler d'égalité dans un pays où un Blanc gagne en moyenne 3 fois plus qu'un non-Blanc, 31 ans après la fin de l'apartheid ?

Comment parler de durabilité quand la corruption a dévoré 30 milliards d'euros sous la présidence de Jacob Zuma ?

Le président Cyril Ramaphosa défend les travaux d'embellissement comme "la première étape d'une réhabilitation en profondeur".

Les habitants, eux, ne sont pas dupes.

« Le changement doit être quelque chose de constant, pas une opération cosmétique pour impressionner les invités », lâche Tshesane, un résident.

Il a raison.

Trump boycotte. L'Afrique du Sud continue.

Et puis, il y a eu le boycott de Trump.

Le 9 novembre, le président américain a annoncé sur Truth Social que les États-Unis ne participeraient pas au sommet. Raison invoquée ? La "persécution des fermiers blancs afrikaners" – un narratif complotiste amplifié par Elon Musk, natif d'Afrique du Sud.

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Les chiffres officiels racontent une autre histoire : entre 2020 et 2024, 225 personnes ont été tuées dans des crimes liés à l'agriculture. La majorité ? Des Noirs. Seulement 53 victimes étaient des agriculteurs blancs.

La réponse sud-africaine a été cinglante.

Fikile Mbalula, secrétaire général de l'ANC :

« Un mensonge flagrant imprégné d'une pensée impérialiste. L'Afrique du Sud reste confiante quant au succès du sommet. »

Le ministre de la Justice, Lamola :

« Les accusations de "génocide blanc" sont purement imaginaires et instrumentalisées à des fins politiques. »

Trump, ironiquement, s'est dit "enthousiaste" à l'idée d'accueillir le G20 de décembre 2026 dans son complexe Trump National Doral Miami, en Floride.

Traduction ? "Je boycotte votre sommet, mais venez dépenser votre argent dans mon hôtel l'année prochaine."

L'impérialisme version Mar-a-Lago.

Ce que l'Afrique attend vraiment de ce G20

Assez parlé des contradictions. Parlons des attentes.

Parce qu'en dépit du cynisme justifié, l'Afrique a des demandes légitimes. Concrètes. Urgentes.

1. Restructuration de la dette africaine

Le continent croule sous une dette insoutenable. Des pays entiers sacrifient l'éducation et la santé pour rembourser des créanciers du Nord.

L'Afrique veut :

  • Un allègement massif de la dette
  • Des mécanismes de refinancement à taux préférentiels
  • Un moratoire sur les remboursements pour les pays en crise climatique

Le C20 (Civil20, le forum de la société civile du G20) a fait pression pendant des mois. Les recommandations existent. Mais comme toujours au G20, aucun engagement n'est juridiquement contraignant.

2. Financement climatique réel

L'Afrique produit moins de 4% des émissions mondiales de CO2. Mais elle subit 80% des impacts climatiques : sécheresses, inondations, famines, déplacements de populations.

L'Afrique exige :

  • Les 100 milliards de dollars annuels promis par les pays riches (et jamais livrés intégralement)
  • Un nouveau mécanisme de financement des pertes et dommages climatiques
  • Un accès direct aux fonds verts, sans passer par les bureaucraties occidentales

Mais pendant que l'Afrique supplie pour des financements, les pays du G7 continuent de subventionner les énergies fossiles. Hypocrisie, niveau expert.

3. Réforme des institutions de Bretton Woods

Le FMI et la Banque mondiale sont des reliques de l'après-Seconde Guerre mondiale. Leur gouvernance reflète un monde qui n'existe plus.

L'Afrique réclame :

  • Plus de sièges et de pouvoir de vote pour le continent dans ces institutions
  • Une refonte des conditionnalités imposées aux prêts (qui favorisent toujours le néolibéralisme)
  • La création d'institutions financières régionales africaines indépendantes

L'Union africaine est désormais membre à part entière du G20. Symboliquement, c'est énorme. Pratiquement ? On verra.

4. Sécurité alimentaire et transfert technologique

45% de la population africaine souffre d'insécurité alimentaire. Pas par manque de terres arables, mais par manque d'investissements, de technologies et d'infrastructures.

L'Afrique demande :

  • Des investissements massifs dans l'agriculture africaine (par des Africains, pour des Africains)
  • Un transfert technologique sans barrières intellectuelles prohibitives
  • La fin du dumping agricole européen qui détruit les marchés locaux

5. Transparence et redevabilité

Sara Branco, du C20 Afrique du Sud, a été claire :

« Les recommandations du G20 ne sont pas juridiquement contraignantes. Il n'existe aucun mécanisme permettant à la société civile de suivre leur mise en œuvre et d'exiger des comptes. »

Traduction ? Le G20, c'est souvent du théâtre. Des promesses sans conséquences.

L'Afrique veut :

  • Des engagements contraignants et mesurables
  • Un mécanisme de suivi indépendant
  • La participation effective de la société civile dans les décisions

Le paradoxe sud-africain : Peut-on être la voix de l'Afrique quand on étouffe ses propres citoyens ?

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Voici la question qui tue.

L'Afrique du Sud se positionne comme porte-parole du continent. Elle siège au G20. Elle préside cette année. Elle porte les revendications africaines.

Mais comment convaincre le monde de prendre l'Afrique au sérieux quand :

  • 33% de chômage chez vous
  • 75 homicides par jour en 2023
  • Johannesburg, Pretoria et Pietermaritzburg figurent parmi les villes les plus violentes du monde en 2025
  • 30 milliards d'euros détournés sous Zuma
  • Des quartiers entiers sans eau ni électricité

L'Afrique du Sud a un problème de crédibilité.

Elle parle de justice sociale au G20, mais ses propres citoyens manifestent pour des droits constitutionnels jamais respectés.

Elle parle de lutte contre la corruption mondiale, mais le pays a été pillé de l'intérieur pendant une décennie.

Elle parle de solidarité africaine, mais applique des politiques xénophobes contre les migrants d'autres pays africains.

Le leadership africain au G20 ne sera légitime que si l'Afrique du Sud règle d'abord ses propres contradictions.

Ce que ce G20 révèle sur l'Afrique en 2025

Au-delà des discours et des communiqués, ce sommet est un miroir tendu au continent.

1. L'Afrique est à la table. Mais a-t-elle vraiment un siège ?

L'Union africaine est membre du G20. C'est historique. Mais combien de décisions seront réellement influencées par l'Afrique ? Ou est-ce juste un siège symbolique pour faire taire les critiques de « néocolonialisme » ?

2. L'Afrique demande. Le Nord promet. Rien ne change.

Restructuration de la dette ? Promis depuis des décennies.

Financement climatique ? Promis depuis 2009.

Réforme des institutions ? Promis depuis les années 1990.

Les promesses s'empilent. Les crises s'aggravent.

3. L'Afrique est divisée.

L'unité africaine est un mythe. 54 pays. 54 intérêts. 54 niveaux de développement.

L'Afrique du Sud parle au nom du continent, mais le Nigeria, l'Égypte, le Kenya et d'autres puissances régionales ont leurs propres agendas.

Tant que l'Afrique ne parlera pas d'une seule voix, elle sera ignorée.

4. L'Afrique doit construire son propre pouvoir.

Le G20 ne sauvera pas l'Afrique. Le FMI non plus. Ni la Banque mondiale.

L'Afrique doit :

  • Industrialiser ses économies
  • Créer ses propres institutions financières
  • Investir dans l'éducation, la technologie, les infrastructures
  • Cesser d'attendre que le Nord lui tende des miettes

Les BRICS (dont l'Afrique du Sud est membre) offrent une alternative. Imparfaite, mais réelle.

Les leçons du premier G20 africain

Leçon 1 : La symbolique ne nourrit pas les affamés

Organiser le G20 en Afrique, c'est symboliquement puissant. Mais si ça ne se traduit pas en emplois, en infrastructures, en services de base, c'est du vent.

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Leçon 2 : On ne peut pas cacher la misère éternellement

Johannesburg a essayé. Pendant quelques jours, les cortèges officiels verront une ville propre, ordonnée, "présentable".

Mais à 2 kilomètres du parcours officiel, la réalité demeure : pauvreté, criminalité, délabrement.

L'Afrique ne peut plus se contenter de façades. Il faut reconstruire l'intérieur.

Leçon 3 : Le boycott de Trump est une bénédiction déguisée

Sérieusement. Moins de Trump, c'est toujours mieux.

Son absence permet au sommet de se concentrer sur les vraies questions au lieu d'être pollué par ses délires narcissiques.

Leçon 4 : L'Afrique doit arrêter d'attendre des sauveurs

Le G20 ne sauvera pas l'Afrique.

Les ONG occidentales non plus.

Les célébrités philanthropes non plus.

L'Afrique se sauvera elle-même. Ou elle ne se sauvera pas.

Ce que nous voulons voir sortir de Johannesburg

Assez de cynisme. Parlons d'espoir pragmatique.

Voici ce que ce G20 doit produire si l'Afrique veut avancer :

1. Un cadre contraignant sur la dette africaine

Pas des "intentions". Pas des "dialogues". Un accord avec des chiffres, des dates, des engagements mesurables.

2. Un fonds climatique africain indépendant

Géré par des Africains. Pour des Africains. Sans conditionnalités occidentales.

3. Un plan d'industrialisation africaine

Financé par des investissements publics massifs. Pas par des prêts. Par des investissements.

4. Une déclaration sur la migration et les réfugiés

Reconnaissant que l'Afrique accueille plus de réfugiés que l'Europe et l'Amérique du Nord combinées. Avec le dixième des ressources.

5. Un mécanisme de redevabilité

Pour que dans un an, on puisse mesurer si les promesses ont été tenues.

L'Afrique attend. Mais elle ne peut plus se permettre d'attendre éternellement.

Le G20 de Johannesburg est historique. Premier sommet sur le sol africain. Première fois que l'Union africaine siège comme membre à part entière.

Mais l'histoire ne se fait pas avec des premières fois. Elle se fait avec des résultats.

L'Afrique a attendu :

  • La fin de la colonisation
  • La fin de l'apartheid
  • La fin des dictatures
  • La fin de la dette
  • La fin de la pauvreté
  • La fin de l'exploitation

Et elle attend toujours.

Les panneaux du G20 vandalisés à Johannesburg résument tout.

« Nous voulons des emplois. »

Pas des sommets. Pas des slogans. Pas des promesses.

Des emplois. De la dignité. Du développement réel.

Le 22 et 23 novembre, les dirigeants du monde se réuniront dans des salles climatisées, boiront du champagne, prendront des photos, signeront des communiqués.

Et le 24 novembre, Johannesburg retournera à ses nids-de-poule, ses égouts à ciel ouvert, ses 75 homicides quotidiens, son chômage de 32%.

À moins que.

À moins que ce sommet marque un vrai tournant. À moins que l'Afrique impose ses conditions au lieu de quémander des faveurs. À moins que les promesses deviennent des actes.

À moins que l'Afrique arrête d'attendre et commence à construire.

Le G20 de Johannesburg sera un succès ou un échec selon un seul critère :

Dans un an, la vie des Johannesbourgeois ordinaires aura-t-elle changé ?

Si la réponse est non, alors ce sommet n'aura été qu'un autre chapitre du grand théâtre de la diplomatie internationale.

Une scène de plus où l'Afrique joue le rôle qu'on lui a assigné : demander poliment ce qu'on lui doit déjà.

Mais si la réponse est oui...

Alors peut-être – juste peut-être – ce 22-23 novembre 2025 marquera le moment où l'Afrique a cessé d'attendre et a commencé à exiger.

Johannesburg attend. L'Afrique attend. Le monde attend.

Mais l'attente a une limite. Et cette limite approche.

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