L’intelligence artificielle s’invite désormais dans de nombreux domaines de la médecine, y compris la dermatologie. Mais dans le cas du cancer de la peau, certains spécialistes tirent la sonnette d’alarme. Dans un récent communiqué, la Société Française de Dermatologie (SFD) a pointé du doigt les dérives inquiétantes liées à l’usage incontrôlé de l’IA dans le dépistage des cancers cutanés. Selon elle, l’outil, aussi prometteur soit-il, pourrait devenir dangereux s’il n’est pas correctement encadré.
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Une technologie sans contrôle médical direct : une menace pour les patients
Le principal problème soulevé par les dermatologues réside dans la prolifération de solutions de dépistage automatique par IA dans des environnements non médicaux. On les retrouve dans certaines pharmacies, centres commerciaux, ou via des applications mobiles. Ces dispositifs sont proposés sans supervision dermatologique ni validation scientifique, exposant les patients à de graves risques.
Parmi les dangers évoqués :
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Des faux diagnostics, générant soit une anxiété inutile, soit une fausse sécurité chez le patient.
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Un mésusage des outils d’imagerie médicale qui, mal interprétés, peuvent entraîner des retards ou des erreurs dans la prise en charge.
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Une absence d'accompagnement dans le parcours de soin : un patient à qui l’IA recommande de consulter un dermatologue ne reçoit souvent aucune aide ni suivi, ce qui peut aggraver la situation.
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Le consumérisme médical, où le soin devient un produit de consommation rapide, détaché de l’éthique médicale.
Un appel urgent à l’encadrement des technologies d’IA
Face à ces dérives, la SFD appelle les autorités à agir vite. Sept recommandations claires ont été émises pour sécuriser l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le cadre du dépistage du cancer de la peau :
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Intégrer toute solution numérique dans un réseau territorial de dermatologues, afin de garantir un encadrement médical.
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Encadrer les plateformes d’IA et de téléexpertise par des règles claires et contraignantes, avec une réglementation uniforme à l’échelle nationale.
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Former les professionnels non spécialistes à l’utilisation raisonnée de ces outils, afin d’éviter les erreurs de manipulation ou d’interprétation.
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Recruter davantage de dermatologues et les installer sur tout le territoire pour réduire les déserts médicaux.
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Rendre les parcours dermatologiques plus lisibles pour les patients, afin de les orienter facilement vers les bons spécialistes.
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Faire évaluer de manière indépendante tous les dispositifs numériques de diagnostic, avec une validation rigoureuse par des autorités de santé.
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Mettre à jour les règles déontologiques des médecins pour intégrer les enjeux éthiques liés à l’usage de l’intelligence artificielle.
La présidente de la SFD, le Professeur Saskia Oro, insiste : « La technologie peut être une formidable alliée, à condition qu’elle reste au service du soin et s’inscrive dans un cadre éthique, rigoureux et humain. » Son message est clair : l’intelligence artificielle ne doit jamais remplacer l’expertise médicale, mais venir en soutien, avec prudence et responsabilité.
Cancer de la peau : les enjeux d’un dépistage précoce mais fiable
Le cancer de la peau est aujourd’hui l’un des cancers les plus fréquents dans le monde. Selon Santé Publique France, plus de 15 000 nouveaux cas de mélanome sont diagnostiqués chaque année. Détecté à un stade précoce, ce cancer peut être guéri dans la grande majorité des cas. D’où l’importance cruciale d’un dépistage fiable, rapide et accessible, mais surtout sécurisé et validé scientifiquement.
En voulant démocratiser les outils de diagnostic, certaines entreprises prennent le risque de court-circuiter le lien patient-médecin. Or, dans le cas du cancer de la peau, chaque lésion suspecte mérite une évaluation attentive par un dermatologue formé, capable de décider d’un prélèvement, d’une biopsie ou d’une surveillance adaptée.
En conclusion, si l’intelligence artificielle représente une opportunité majeure pour la médecine du futur, son utilisation dans le cadre du dépistage du cancer de la peau doit absolument être réglementée, encadrée et accompagnée par les professionnels de santé. La santé des patients ne doit jamais être sacrifiée sur l’autel de l’innovation.