Le 21 septembre 2025 marquera une date décisive pour la Guinée avec l'organisation d'un référendum constitutionnel majeur, présenté par les autorités de transition comme une étape clé du retour à l'ordre constitutionnel. Plus de trois ans après le coup d'État militaire qui a renversé le président Alpha Condé en septembre 2021, ce scrutin cristallise les tensions politiques et les enjeux démocratiques du pays.
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Un Contexte Post-Coup d'État Complexe
La junte dirigée par le général Mamadi Doumbouya, au pouvoir depuis le putsch, avait initialement promis un transfert rapide aux civils élus avant la fin 2024. Mais ces engagements n'ont pas été respectés, provoquant protestations et critiques de la communauté internationale.
Cette promesse non tenue illustre les défis récurrents des transitions politiques en Afrique de l'Ouest, où les juntes militaires peinent souvent à respecter leurs calendriers de retour à l'ordre civil. Le report de cette échéance a exacerbé les tensions entre le pouvoir militaire et l'opposition politique guinéenne.
Les Enjeux du Nouveau Texte Constitutionnel
Ce texte constitutionnel est perçu par le gouvernement comme une base légale pour organiser des élections générales, prévues en décembre 2025, et pour établir un cadre institutionnel stabilisant la Guinée. La junte espère ainsi officialiser une nouvelle ère politique favorable à un retour à la stabilité.
Le projet constitutionnel propose plusieurs innovations institutionnelles destinées, selon ses promoteurs, à moderniser la gouvernance guinéenne et à éviter les crises politiques récurrentes qui ont marqué l'histoire du pays. Ces réformes s'inscrivent dans une démarche présentée comme refondatrice pour la République de Guinée.
La Controverse Centrale : L'Éligibilité du Leader de la Junte
Toutefois, le projet polémique permettrait à Mamadi Doumbouya lui-même, qui avait promis dans ses vœux de ne pas se présenter, de briguer la présidence. Cette perspective suscite une vive opposition des partis politiques et de la société civile, dénonçant un risque de perpétuation du pouvoir militaire sous couvert de légalité.
Cette contradiction entre les promesses initiales du général Mamadi Doumbouya et les possibilités offertes par le nouveau texte constitutionnel constitue le cœur de la polémique. Les opposants y voient une manœuvre destinée à légaliser l'accession du chef de la junte au pouvoir civil, transformant un coup d'État en victoire électorale.
Une Campagne Référendaire Sous Tension
La campagne officielle pour le référendum a été lancée fin août 2025. Malgré l'interdiction de plusieurs partis d'opposition, dont certains suspendus, le débat public autour du référendum s'intensifie à l'approche du scrutin.
Cette restriction de l'espace politique soulève des questions fondamentales sur la légitimité du processus référendaire. Comment peut-on organiser un vote démocratique sur l'avenir constitutionnel du pays en excluant une partie significative de l'opposition politique ?
Les Arguments du Pouvoir de Transition
Les partisans du projet constitutionnel avancent plusieurs arguments :
- Stabilité Institutionnelle : Le nouveau texte permettrait d'établir des institutions solides, évitant les crises constitutionnelles récurrentes qui ont caractérisé l'histoire politique guinéenne.
- Modernisation du Cadre Légal : Les réformes proposées viseraient à adapter la Constitution aux défis contemporains de la gouvernance démocratique.
- Retour à la Normalité Constitutionnelle : Le référendum marquerait symboliquement la fin de la période de transition militaire et l'amorce d'un retour à l'ordre civil.
Les Critiques de l'Opposition
Les opposants au projet dénoncent plusieurs problèmes majeurs :
- Violation des Promesses Initiales : Le général Doumbouya avait explicitement promis de ne pas se porter candidat à la présidence, engagement qui pourrait être contourné par le nouveau texte.
- Processus Non Inclusif : L'interdiction de plusieurs partis politiques compromet la représentativité et la légitimité du débat constitutionnel.
- Risque de Perpétuation du Pouvoir Militaire : Le référendum pourrait servir de façade démocratique à une consolidation autoritaire du pouvoir.
Le Contexte Régional : L'Afrique de l'Ouest Face aux Transitions Militaires
La situation guinéenne s'inscrit dans un contexte régional marqué par une série de coups d'État en Afrique de l'Ouest. Le Mali, le Burkina Faso, et le Niger ont également connu des transitions militaires, créant un environnement géopolitique particulièrement instable.
Cette vague de changements de régime pose des défis considérables aux organisations régionales comme la CEDEAO (Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest), qui peinent à imposer un retour effectif à l'ordre constitutionnel dans les pays concernés
Les Implications Économiques et Sociales
Au-delà des enjeux politiques, le référendum revêt une dimension économique cruciale pour la Guinée. Le pays, riche en ressources minérales (bauxite, fer, or), a besoin de stabilité politique pour attirer les investissements internationaux et développer son économie.
L'incertitude politique prolongée pèse sur le développement économique du pays et affecte les conditions de vie des populations. La résolution de la crise constitutionnelle devient donc un enjeu de développement autant que de démocratie.
La Pression Internationale
La communauté internationale suit attentivement l'évolution de la situation guinéenne. Les partenaires internationaux du pays, notamment l'Union européenne et les États-Unis, ont régulièrement appelé à un respect des engagements de transition vers un gouvernement civil.
Les sanctions économiques et diplomatiques restent des outils de pression potentiels si le processus de démocratisation ne progresse pas de manière satisfaisante. Cette dimension internationale ajoute une pression supplémentaire sur les autorités de transition.
Enjeux pour la Société Civile Guinéenne
La société civile guinéenne se trouve au cœur de ces débats constitutionnels. Les organisations de défense des droits humains, les syndicats, et les associations citoyennes tentent de faire entendre leur voix malgré les restrictions imposées au débat public.
Cette mobilisation citoyenne représente un enjeu crucial pour l'avenir démocratique du pays, au-delà du seul résultat du référendum du 21 septembre.
Vers les Élections de Décembre 2025
Si le référendum constitutionnel est adopté, les élections générales prévues en décembre 2025 constitueront l'étape ultime du processus de transition. Ces élections détermineront si la Guinée parviendra effectivement à sortir de la période de gouvernement militaire ou si elle s'engagera dans une nouvelle forme de régime hybride.
L'enjeu principal sera alors de savoir si ces élections seront véritablement libres et équitables, permettant une alternance démocratique réelle ou consacrant simplement le passage du pouvoir militaire au pouvoir civil sous la même direction.
Un Moment Décisif pour la Démocratie Guinéenne
Le référendum constitutionnel du 21 septembre 2025 représente un tournant historique pour la Guinée. Au-delà des considérations techniques sur le contenu du nouveau texte constitutionnel, c'est l'avenir démocratique du pays qui se joue.
La contradiction entre les promesses initiales de la junte et les possibilités offertes par le nouveau texte constitue le cœur du débat politique actuel. Cette tension révèle les difficultés inhérentes aux processus de transition démocratique après un coup d'État militaire.
Pour la population guinéenne, ce référendum constitue un moment crucial de choix sur l'orientation politique future du pays. Les enjeux dépassent largement les considérations juridiques pour toucher aux questions fondamentales de légitimité, de représentativité et de gouvernance démocratique.
L'issue de ce scrutin aura des répercussions non seulement sur la Guinée mais aussi sur l'ensemble de la région ouest-africaine, où les expériences de transition post-coup d'État sont scrutées avec attention par les autres pays confrontés à des défis similaires.
Le 21 septembre 2025 marquera ainsi une date charnière dans l'histoire politique contemporaine de la Guinée, avec des conséquences durables sur la trajectoire démocratique du pays et son insertion dans l'espace politique régional et international.