Le verdict est tombé ce mardi 10 juin 2025 à Abidjan : Souleymane Kamaraté Koné, alias « Soul to Soul », ex-chef de protocole de Guillaume Soro, a été condamné à 5 ans de prison ferme, 5 millions de francs CFA d’amende, ainsi qu’à 5 ans de privation de ses droits civiques et politiques. Pourtant, cette décision judiciaire, qui semble à première vue s’inscrire dans une série d’affaires de détournement de fonds publics, laisse entrevoir une lecture politique plus profonde : celle d’un verrouillage progressif de toute la galaxie proche de Guillaume Soro, à quelques mois de l’élection présidentielle ivoirienne d’octobre 2025.
Une affaire immobilière vieille de 17 ans, réactivée en pleine tension politique
L’affaire remonte à 2008, alors que Guillaume Soro était Premier ministre. Une villa luxueuse située à Marcory Résidentiel, un quartier huppé d’Abidjan, avait été acquise au nom de l’État pour loger l’ancien chef rebelle. Selon la justice, cette acquisition aurait été réalisée avec des deniers publics détournés, ce qui fonde aujourd’hui les poursuites pour blanchiment de capitaux et recel de détournement.
Mais un point interpelle : aucun montant précis n’a été clairement établi au cours du procès. L’avocate de la défense, Me Kadidia Touré, dénonce un dossier flou, sans preuves directes et marqué par une volonté manifeste d’associer tout proche de Guillaume Soro à un crime économique, aussi mineur soit-il. Pour rappel, Soul to Soul avait déjà été condamné en 2021 à 20 ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État », avant d’être gracié en 2024. Une clémence de courte durée visiblement.
Soul-To-Soul.jpg.Guillaume Soro : l’ombre pesante d’un exilé devenu persona non grata
Derrière cette condamnation, c’est bien Guillaume Soro lui-même qui semble être la cible. Ex-chef de la rébellion, ex-Premier ministre, ex-président de l’Assemblée nationale, celui qui fut longtemps un allié du président Alassane Ouattara est devenu, en exil depuis 2019, l’opposant à neutraliser coûte que coûte.
Déjà condamné à 20 ans de prison en 2020, puis à la perpétuité par contumace, pour avoir selon les autorités « tenté de fomenter une insurrection civile et militaire », Guillaume Soro est désormais exclu de la présidentielle de 2025. Officiellement pour cause de condamnations judiciaires. Officieusement, ses apparitions au Burkina Faso, au Niger et plus récemment au Ghana inquiètent le régime ivoirien, qui craint un retour stratégique dans le jeu politique ouest-africain.
Dans cette logique, frapper Soul to Soul, l’un de ses collaborateurs les plus loyaux, revient à assiéger le dernier cercle soroïste encore actif sur le territoire ivoirien.
Une justice en accusation : procès politique ou vrai combat contre la corruption ?
Plusieurs analystes s’interrogent : cette décision judiciaire contre Soul to Soul est-elle vraiment motivée par une volonté de lutte contre la corruption ? Ou s’agit-il d’un écran juridique masquant une purge politique ?
La question prend tout son sens quand on considère que la villa de Marcory, au cœur du procès, était connue de tous depuis des années. Pourquoi ne relancer l’affaire qu’en 2025, à l’approche d’une échéance électorale cruciale ? Pourquoi ne pas également inculper les membres de l’administration de l’époque qui ont validé l’achat ?
Les proches de Guillaume Soro dénoncent une stratégie d’acharnement politique, déguisée en poursuites judiciaires. Un mécanisme destiné à affaiblir toute possibilité de retour de l’exilé dans l’arène politique ivoirienne, en criminalisant son entourage et en l’isolant durablement.
Conclusion
La condamnation de Souleymane Kamaraté dit « Soul to Soul » dépasse la simple affaire de biens mal acquis. Elle s’inscrit dans un contexte de lutte d’influence et d’exclusion politique visant Guillaume Soro, figure dérangeante de l’opposition ivoirienne. À mesure que l’élection présidentielle de 2025 approche, chaque verdict semble moins judiciaire que stratégique. La justice ivoirienne peut-elle encore convaincre de son impartialité face à une opinion publique de plus en plus sceptique ?