1. Le blocage du système gérontocratique
Depuis son indépendance, la Côte d'Ivoire a reposé sur une consanguinité politique : Houphouët, Bédié, Gbagbo, Ouattara. Un modèle où le pouvoir se niche dans les alliances et désignations d’héritiers, plus rarement élus.
Aujourd’hui, ce système est en panne :
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Gbagbo reste inéligible pour cause judiciaire.
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Bédié a disparu, ouvrant un vide au PDCI.
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Ouattara n’a pas d’héritier désigné au RHDP.
Résultat : l’appareil partisan est frémissant, sans boussole, tandis qu’émerge une délégation de cadres intermédiaires prêts à endosser des rôles de premier plan.
2. Ahoua Don Mello : l’indépendance pour exister
Ancien ministre de l’Équipement, ancien porte-parole de Gbagbo, Don Mello en était le dauphin réfléchi.
Le 23 juillet 2025, il annonce sa candidature à la présidentielle, sans rompre avec le PPA-CI, mais suffisamment pour signifier : « les conditions changent, je prends ma place ».
Cette rupture respectueuse, fondée sur une posture technicien-panafricaniste, dessine une nouvelle posture : politique sans dépendance, le dauphin dépasse son mentor.
3. Jean‑Louis Billon vs Tidjane Thiam : un duel pour l’âme du PDCI
Jean‑Louis Billon, héritier de Sifca et ancien ministre du Commerce, s’affirme comme un outsider institutionnel dans le PDCI. Il affiche une ambition claire face au président du parti, Tidjane Thiam, toujours critiqué pour son inexpérience partisane :
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Billon a officiellement déclaré sa candidature pour la primaire dès octobre 2024
Selon Reuters (juin 2025), il attribue à des “erreurs de préparation” l’échec judiciaire de Thiam, et ne ferme pas la porte à une candidature hors PDCI.
La tension est patente : Billon ne cache pas son ambition d’un nouveau leadership générationnel, tandis que Thiam, élu fin 2023, est confronté à des difficultés liées à sa nationalité double.
Ce duel est révélateur : le dauphin n’a plus besoin de l’autorisation du mentor, surtout quand ce dernier suscite des querelles juridiques et tue-l’amour.
4. Affi N’Guessan et KKB : l'autonomie historique
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Pascal Affi N’Guessan, ancien Premier ministre de Gbagbo, s’est fait exclure de la trajectoire du mentor en 2021 et a reconstruit le FPI comme chef indépendant, incarnant une continuation d’une fidélité à rebours.
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Kouadio Konan Bertin, alias KKB, adoube une posture anti-système. Dissident PDCI, candidat libre en 2015 et 2020, ancien ministre, il incarne la troisième voie, hors institutions.
5. Une recomposition collective par défaut
Cette structuration n’est pas le produit d’un plan : c’est une dynamique ascendante, auto-organisée :
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Les partis sont affaiblis — les dauphins n’attendent plus la permission.
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La figure du pouvoir s’est affaiblie — absence d’un patriarche incontesté.
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La génération intermédiaire est... intermédiaire : formée, élitiste, mais aspirante.
Conséquence : une fragmentation contrôlée — chaque camp peut perdre, mais collectivement, la génération se structure autour de cadres politiques soucieux de ne plus s'effacer.
6. Limites et risques d’une révolution en miettes
Ce mouvement soulève des questions :
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Fractionnement électoral : plusieurs candidatures émiettent le champ, limitant la capacité à s’imposer.
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Absence de projet partagé : compétence ne suffit pas à gouverner ; aucune offre idéologique claire n’émerge.
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Adaptation des clans : les partis peuvent réagir en recentrant ou en opportunisant ces figures.
La Côte d’Ivoire vit est une transition par éclatement
L’élection d’octobre 2025 pourrait devenir le terme de cette recomposition — si ces figures réussissent à fédérer non seulement leur ambition, mais une vision partagée pour un renouvellement durable.