C’est une onde de choc dans le paysage politique ivoirien. La Commission électorale indépendante (CEI) a publié, ce mercredi 4 juin 2025, la liste électorale définitive pour la présidentielle du 25 octobre. Surprise majeure : Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo en sont absents. Une décision lourde de symboles et de conséquences politiques, qui ravive les tensions à seulement quatre mois du scrutin.
Conformément à l’article 48 du Code de la nationalité, Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA, a été radié du fichier électoral par décision de justice. Celle-ci fait suite à une requête contestant son inscription sur la liste provisoire de 2022, en invoquant la perte de sa nationalité ivoirienne. Quant à Laurent Gbagbo, ancien président de la République, son nom reste exclu pour cause de condamnation pénale non amnistiée, malgré les demandes répétées de ses partisans pour une réhabilitation politique.
Une radiation pour « perte de nationalité » qui fait débat
Le 23 avril 2025, la juge administrative a tranché : en acquérant la nationalité française au cours de sa carrière à l’international, Tidjane Thiam aurait automatiquement perdu sa nationalité ivoirienne. En vertu de cette interprétation stricte du droit, sa radiation de la liste électorale devient définitive, sans possibilité de recours.
L’ancien directeur général de Crédit Suisse a réagi avec fermeté, qualifiant cette décision de « profondément injuste et politiquement motivée ». Dans un communiqué, Tidjane Thiam a dénoncé « une manœuvre d’exclusion ciblée » et appelé la communauté internationale à veiller à la tenue d’élections libres et transparentes en Côte d’Ivoire. Cette exclusion place désormais le PDCI-RDA dans une situation délicate, contraint de réorganiser sa stratégie à la veille d’une élection cruciale.
Une opposition décapitée face à un pouvoir renforcé
Avec Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo écartés, ce sont toutes les grandes figures de l’opposition – Charles Blé Goudé, Guillaume Soro, et d’autres – qui se retrouvent hors course, souvent pour des raisons judiciaires ou administratives. L’opposition dénonce un verrouillage du processus électoral, orchestré selon elle par un pouvoir déterminé à conserver le contrôle du jeu démocratique.
Le PPA-CI de Gbagbo, le FPI, le PDCI-RDA et les autres formations de la Coalition pour l’alternance pacifique (CAP) appellent à l’ouverture d’un dialogue politique urgent. Ils réclament des garanties pour un scrutin inclusif, apaisé et crédible, tout en fustigeant une CEI qu’ils accusent d’être sous la coupe du pouvoir en place. La société civile, quant à elle, s'inquiète d’un climat préélectoral explosif, nourri par un sentiment croissant d’exclusion et d’injustice.
Vers une présidentielle sans rivalité ?
L'absence de Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo sur la ligne de départ redistribue les cartes du scrutin présidentiel de 2025. L’opinion publique s’interroge : peut-on parler d’élections démocratiques sans les principaux représentants de l’opposition ? Si cette situation persiste, elle risque de fragiliser la légitimité du futur président et de relancer une spirale de tensions que la Côte d’Ivoire, encore marquée par les crises électorales passées, ne peut plus se permettre.
La scène politique ivoirienne entre ainsi dans une zone de turbulence où la légalité et la légitimité semblent s’opposer, et où la voix du peuple pourrait être étouffée avant même d’avoir été entendue.