1. Une liste de candidats qui verrouille le jeu
Samedi 26 juillet, le Conseil électoral (ELECAM) a publié la liste provisoire des candidats admis au scrutin du 12 octobre 2025 : 13 noms au total – le président Paul Biya et 12 adversaires – mais pas Maurice Kamto, arrivé deuxième en 2018 avec 14 % des voix. Aucune motivation officielle n’a été fournie. Les recalés disposent de deux jours pour contester
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2. Pourquoi le rejet de Kamto est déterminant
| Ce qui change | Conséquence politique |
|---|---|
| Absence du principal opposant structuré | Le scrutin se transforme en compétition dispersée entre « petites » candidatures, souvent issues d’alliances de circonstance ou proches du pouvoir. |
| Crédibilité extérieure | L’Union européenne, les États-Unis et plusieurs ONG avaient déjà mis en doute l’équité du système en 2018 ; l’exclusion de Kamto renforce l’hypothèse d’un scrutin non compétitif. |
| Risque de contestation interne | L’ONU a prévenu d’éventuelles manifestations à Yaoundé et Douala après l’annonce d’ELECAM. |
Les raisons possibles
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Technique : le MRC, parti de Kamto, reste suspendu ; il s’était donc présenté sous l’étiquette MANIDEM. ELECAM peut avoir jugé irrégulière cette substitution.
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Politique : le gouvernement n’a jamais digéré la contestation de 2018 (arrestations massives en 2019).
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Sécuritaire : Yaoundé redoute que Kamto catalyse la colère dans les régions anglophones toujours en conflit.
Aucun de ces motifs n’a été confirmé, mais leur combinaison éclaire la décision.
3. Qui sont les 12 challengers ?
La plupart sont d’anciens alliés ou ministres de Biya – Bello Bouba Maigari (UNDP), Issa Tchiroma Bakary (indépendant, ex-ministre du Travail) – ou des personnalités au poids électoral limité (Cabral Libii, Serges Espoir Matomba). Aucun, seul, ne dispose d’une base nationale équivalente à celle du MRC.
Effet mécanique : la dispersion des voix d’opposition augmente mathématiquement les chances d’une victoire dès le premier tour pour le RDPC de Biya.
4. Un appareil électoral taillé pour le statu quo
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ELECAM : ses 18 membres sont nommés par décret présidentiel ; son président, Enow Abrams Egbe, est réputé proche du RDPC.
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Conseil constitutionnel : habilité à valider la liste définitive et les résultats, il est présidé par Clément Atangana, ex-militant du RDPC.
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Contexte sécuritaire : la guerre dans les régions anglophones limite l’observation indépendante et le vote dans au moins 40 % des communes concernées, selon la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH).
Cette architecture réduit la marge de contestation institutionnelle, même si Kamto saisit le Conseil constitutionnel.
5. Scénarios à trois mois du scrutin
| Scénario | Probabilité | Conséquences |
|---|---|---|
| Validation définitive du rejet | Élevée | Victoire hautement probable de Biya ; risque de manifestations urbaines contenues par un dispositif sécuritaire renforcé. |
| Réintégration in extremis de Kamto | Faible | Reconfiguration tardive ; possibilité d’un second tour si l’opposition parvient à s’unir. |
| Boycott ou retrait massif d’autres candidats | Moyen | Scrutin à faible crédibilité internationale ; isolement diplomatique possible, mais Biya miserait sur le soutien de Paris et de Pékin. |
6. Ce que cela révèle du régime Biya
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Stratégie de fragmentation de l’opposition : laisser courir plusieurs candidatures « tolérées » pour diluer les voix.
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Priorité à la stabilité sécuritaire perçue : en marginalisant l’unique figure capable de mobiliser dans les grandes villes et chez les diasporas, Yaoundé cherche à prévenir un scénario de soulèvement post-vote.
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Épreuve de longévité : à 92 ans et 43 ans de pouvoir, Paul Biya mise sur la lassitude de la contestation et sur une administration qu’il contrôle de bout en bout.
Qui peut battre Paul Biya ?
L’exclusion de Maurice Kamto ne ferme pas seulement la porte à un rival ; elle verrouille un système électoral où la compétition réelle est étouffée en amont. À trois mois du scrutin, le Cameroun s’avance vers une présidentielle sans suspense démocratique, mais non sans risques sécuritaires. La question n’est plus : “Qui peut battre Biya ?” mais “Jusqu’où le régime peut-il aller sans perdre sa légitimité interne et externe ?” Les prochains jours – recours de Kamto, réactions de la rue, position de la communauté internationale – donneront la mesure de cette équation.