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TikTok devient plus dangereux qu'un char : la Gen Z fait tomber des gouvernements

Publié le 02 octobre 2025Société0 vues
TikTok devient plus dangereux qu'un char : la Gen Z fait tomber des gouvernements

Ils ont grandi avec un smartphone dans une main et une crise climatique dans l'autre. Aujourd'hui, la génération Z — ces jeunes nés entre 1997 et 2012 — est en train de réécrire les règles du jeu politique mondial. De Dacca à Nairobi, en passant par Katmandou et Antananarivo, les places publiques s'embrasent et les premiers ministres démissionnent. Mais cette fois, ce ne sont pas des partis politiques traditionnels qui mènent la danse : ce sont des étudiants qui organisent leurs révolutions sur Discord, coordonnent leurs manifestations sur TikTok, et font chuter des régimes établis depuis des décennies.

Bienvenue dans l'ère des révolutions pilotées par des jeunes qui maîtrisent les algorithmes mieux que leurs dirigeants ne maîtrisent leurs populations.

Bangladesh : quand les étudiants renversent une "Dame de fer"

Un système de quotas qui met le feu aux poudres

L'histoire commence en juin 2024, quand la Cour suprême du Bangladesh invalide une décision gouvernementale de 2018 concernant les quotas d'emploi dans la fonction publique. Sur le papier, c'est technique. Dans la réalité, c'est l'étincelle qui va consumer quinze ans de règne autoritaire.

Les étudiants du mouvement "Students Against Discrimination" descendent dans la rue. Leur revendication ? Simple et puissante : ils veulent que les emplois publics soient attribués au mérite, pas selon des quotas qui favorisent les descendants des combattants de l'indépendance. Dans un pays où le chômage des jeunes atteint des sommets et où les diplômés enchaînent les petits boulots, c'est une question de survie, pas de principe abstrait.

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De juillet à août : 54 jours pour renverser l'histoire

Le mouvement prend une ampleur inattendue. Les lycéens, collégiens, universitaires et même les étudiants des madrassas rejoignent les manifestations. Rapidement, ils ne sont plus seuls : parents, professeurs, citoyens ordinaires convergent vers les places publiques. Face à eux, une répression brutale. Mais plus le gouvernement frappe fort, plus la colère enfle.

Le 5 août 2024, l'impossible se produit : Sheikh Hasina, première ministre depuis 2009 et figure incontournable de la politique bangladaise, démissionne et quitte le pays. Une "révolution de juillet" menée par des jeunes qui, contrairement aux luttes politiques traditionnelles dominées par les partis, ont galvanisé toute une nation. Ce jour-là, des milliers de Bangladais se massent devant le monument national Shaheed Minar à Dacca pour célébrer. "C'était épique", raconte un étudiant présent. "Il y avait des milliers de personnes, tout le monde était là."

Kenya : #RejectFinanceBill2024, ou comment un hashtag devient une barricade

La facture de trop

Si au Bangladesh la goutte d'eau fut un système de quotas, au Kenya, c'est une loi de finances qui allume la mèche. En juin 2024, le président William Ruto propose le Finance Bill 2024, un projet de loi qui introduit de nouvelles taxes sur des produits essentiels : le pain, les produits menstruels, les véhicules, les transferts d'argent mobile. L'objectif affiché ? Réduire la dépendance du pays aux emprunts extérieurs qui ont plongé le Kenya dans une dette massive.

Pour les jeunes Kenyans, qui font face à un chômage endémique et à l'inflation, c'est l'insulte de trop. Ils voient dans ces mesures l'empreinte du Fonds monétaire international et accusent des politiciens corrompus d'enrichir leurs proches pendant que le peuple se serre la ceinture.

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Un mouvement décentralisé qui prend le Parlement d'assaut

Le hashtag #RejectFinanceBill2024 explose sur les réseaux sociaux. Les manifestations, décentralisées et sans leadership unique, se multiplient à travers le pays. La Gen Z kenyane, armée de leurs smartphones, coordonne des actions, diffuse des vidéos de violences policières, et mobilise en temps réel.

Le 18 juin 2024, face à la pression, le gouvernement recule et abandonne plusieurs taxes controversées, dont celle sur le pain et les véhicules. Mais le mouvement ne s'arrête pas là. Les manifestants, galvanisés, prennent d'assaut le Parlement kenyan. Malgré une répression meurtrière, la Gen Z a prouvé qu'elle pouvait faire plier un gouvernement — et qu'elle ne se contenterait plus de demander poliment.

Népal : Discord contre corruption

Les "Nepo Kids" et le ras-le-bol d'une génération

Au Népal, l'histoire est un peu différente, mais le schéma est le même. En 2025, les jeunes Népalais en ont assez. Assez de voir les enfants des élites politiques — les fameux "Nepo Kids" — afficher leur richesse ostentatoire sur les réseaux sociaux pendant que le pays s'enfonce dans la pauvreté, le chômage et la corruption.

Quand les manifestations commencent, le gouvernement panique et interdit TikTok et d'autres plateformes. Mauvaise idée. Très mauvaise idée. Interdire les réseaux sociaux à une génération qui y vit, c'est comme jeter de l'essence sur un brasier. Les jeunes se replient sur Discord, Reddit et d'autres plateformes pour organiser leurs actions. La vitesse à laquelle ils renversent le gouvernement laisse tout le monde pantois, y compris eux-mêmes.

Un bilan sanglant mais une victoire historique

Le 8 septembre 2025, dix-neuf manifestants — la plupart âgés de moins de trente ans — sont tués par les forces de l'ordre. Le lendemain, des foules vengeresses incendient des bâtiments gouvernementaux. Le 9 septembre, le premier ministre Khadga Prasad Oli démissionne, après seulement cinq jours de protestations nationales déclenchées par l'interdiction des réseaux sociaux.

Le coût humain est terrible : plus de 70 morts au total. Mais le Népal se retrouve avec une première ministre par intérim femme, et une génération qui a prouvé qu'elle pouvait renverser un système pourri en moins de deux semaines. Le mouvement au Népal devient un symbole pour toute l'Asie du Sud : la Gen Z ne négocie plus, elle agit.

Madagascar : eau, électricité, et fin de partie pour Rajoelina

Quand les coupures d'eau deviennent révolutionnaires

Fin septembre 2025, le président Andry Rajoelina de Madagascar dissout son gouvernement. La raison ? Des manifestations massives menées par les jeunes, déclenchées par des pénuries sévères d'eau et d'électricité qui peuvent durer plus de 12 heures par jour.

Ce qui commence comme une protestation contre les services publics défaillants se transforme rapidement en contestation généralisée du pouvoir. La Gen Z malgache, inspirée par les exemples du Bangladesh, du Kenya et du Népal, descend dans la rue et refuse de rentrer chez elle tant que des changements réels ne sont pas opérés.

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Pourquoi maintenant ? Les cinq ingrédients d'une révolution Gen Z

1. Une génération sans illusions

Contrairement aux générations précédentes, la Gen Z a grandi dans un monde en crise permanente. Réchauffement climatique, pandémie mondiale, récession économique, chômage structurel : ils n'ont connu que l'instabilité. Résultat ? Ils n'ont aucune patience pour les promesses creuses des politiciens de carrière.

2. La maîtrise des outils numériques comme arme politique

TikTok n'est pas juste une plateforme de danse virale. Discord n'est pas qu'un salon de discussion pour gamers. Reddit n'est pas seulement un forum de mèmes. Pour la Gen Z, ce sont des outils d'organisation politique redoutablement efficaces.

Quand les gouvernements interdisent une plateforme, ils passent à une autre. Quand la police surveille les réseaux, ils chiffrent leurs communications. Ils maîtrisent les algorithmes, savent comment faire exploser un hashtag, et peuvent mobiliser des milliers de personnes en quelques heures. Les régimes autoritaires, habitués à contrôler les médias traditionnels, se retrouvent dépassés.

3. Des revendications concrètes, pas idéologiques

Ces mouvements ne sont pas menés par des partis politiques avec des programmes électoraux de 200 pages. Ce sont des révoltes pragmatiques, déclenchées par des problèmes concrets : des taxes insupportables, des quotas injustes, des coupures d'électricité, la corruption éhontée des élites.

La Gen Z ne demande pas une révolution marxiste ou un retour aux traditions. Elle veut des emplois, des services publics qui fonctionnent, et que les riches arrêtent de se moquer d'eux sur Instagram pendant qu'ils galèrent à survivre.

4. L'absence de leadership unique (et c'est leur force)

Ces mouvements sont décentralisés. Pas de chef charismatique qu'on peut arrêter ou corrompre. Pas de structure hiérarchique qu'on peut infiltrer. Juste des milliers de jeunes qui se coordonnent horizontalement, prennent des décisions collectivement, et agissent de manière spontanée.

C'est un cauchemar pour les services de sécurité habitués à décapiter les mouvements en arrêtant les leaders. Comment arrêter une révolution qui n'a pas de tête ?

5. L'effet contagion transnational

Quand les Bangladais renversent Sheikh Hasina, les Kenyans prennent note. Quand les Népalais font tomber leur premier ministre en cinq jours, les Malgaches s'inspirent. Les révolutions Gen Z se propagent comme un virus numérique, chaque victoire inspirant la suivante.

Les jeunes du monde entier se regardent, se soutiennent, partagent leurs tactiques. C'est une solidarité générationnelle qui transcende les frontières, les langues, et les cultures.

Les limites et dangers d'une révolution sans programme

Après la chute, quoi ?

Faire tomber un gouvernement, c'est une chose. Construire ce qui vient après, c'en est une autre. Au Bangladesh, après la démission de Sheikh Hasina, le pays se retrouve dans une incertitude politique. Au Népal, la question revient sans cesse : "Et maintenant ?" Les manifestants eux-mêmes admettent qu'ils n'ont pas toutes les réponses.

L'absence de leadership et de programme structuré, qui est une force tactique, devient une faiblesse stratégique. Qui va gouverner ? Quelles réformes précises doivent être mises en place ? Comment éviter que les anciennes élites ne reprennent le pouvoir sous une autre forme ?

Le risque de récupération politique

Les partis traditionnels, les militaires, les forces conservatrices : tous attendent dans l'ombre, prêts à récupérer ces mouvements populaires pour leurs propres agendas. Au Bangladesh, des partis d'opposition comme le BNP et le Jamaat-e-Islami ont rapidement rejoint les manifestations étudiantes, espérant tirer leur épingle du jeu.

La violence comme réponse des États

La répression est souvent brutale. Au Népal, 70 morts. Au Kenya, des dizaines de manifestants tués par la police. Au Bangladesh, une violence étatique systématique. Les gouvernements, acculés, répondent par la force, transformant des mouvements pacifiques en confrontations sanglantes.

La Gen Z accepte de payer ce prix, mais il faut se demander : jusqu'où les États sont-ils prêts à aller pour maintenir le statu quo ? Et jusqu'où les jeunes sont-ils prêts à aller pour obtenir le changement ?

Ce que les gouvernements ne comprennent pas (et c'est tant mieux)

Les régimes autoritaires du monde entier regardent ces révolutions avec une incompréhension profonde. Ils essaient de bloquer Internet, d'interdire les réseaux sociaux, d'arrêter quelques leaders supposés. Mais ils ratent l'essentiel.

Cette génération ne joue plus selon les anciennes règles. Elle ne croit plus aux promesses, ne fait plus confiance aux institutions, et n'a plus peur des conséquences. Quand on n'a rien à perdre parce que l'avenir semble déjà condamné, on devient dangereusement libre.

Les gouvernements pensent contrôler l'information en coupant TikTok. Mais la Gen Z trouve Discord. Ils pensent calmer la foule en faisant des concessions mineures. Mais les jeunes veulent tout, tout de suite. Ils pensent que la violence va briser le mouvement. Mais chaque martyr devient un symbole qui nourrit la révolte.

L'onde de choc qui vient

Ce qui se passe en Asie du Sud et en Afrique de l'Est n'est que le début. Partout dans le monde, la Gen Z fait face aux mêmes problèmes : précarité économique, crise climatique, corruption des élites, sentiment d'être la première génération depuis des siècles à vivre moins bien que ses parents.

Les ingrédients sont là. Le mode d'emploi circule en ligne. Les exemples de victoires s'accumulent. Combien de temps avant que cette vague ne déferle sur d'autres continents ? Combien de temps avant que les jeunes Européens, Américains, ou d'ailleurs ne décident qu'eux aussi en ont assez ?

Bienvenue dans le siècle des révolutions liquides

Les révolutions du XXe siècle avaient des leaders, des idéologies, des drapeaux. Celles du XXIe siècle ont des hashtags, des mèmes, et des serveurs Discord. Elles sont fluides, insaisissables, et redoutablement efficaces.

La Gen Z n'a peut-être pas toutes les réponses. Elle n'a peut-être pas de plan à long terme. Mais elle a quelque chose de plus précieux : le courage de briser le statu quo, la créativité pour inventer de nouvelles formes de lutte, et la conviction que le monde tel qu'il est ne peut plus durer.

Les gouvernements feraient bien de prendre note. Parce que la prochaine révolution ne se prépare pas dans les bureaux de partis politiques ou dans les salles de réunion syndicales. Elle se prépare sur un serveur Discord quelque part, entre deux cours en ligne et un TikTok viral.

Et elle arrive plus vite qu'on ne le pense.

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