Le nouvel état du rapport de force
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Le camp présidentiel verrouille la procédure, pas l’image. Le dépôt personnel d’Alassane Ouattara clôt la phase administrative en montrant un appareil RHDP discipliné et prêt pour une campagne courte, orientée « stabilité et continuité ». L’objectif implicite reste la victoire au premier tour via la fragmentation des challengers.
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L’opposition se judiciarise.
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Laurent Gbagbo dépose malgré un contentieux sur l’exercice de ses droits civils et politiques (radiation antérieure des listes). Le geste mobilise sa base et déplace le combat devant les juges.
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Tidjane Thiam force, lui aussi, l’arbitrage : il a renoncé à sa nationalité française au printemps pour se conformer à l’exclusivité de nationalité exigée par la loi ; le Conseil devra trancher sur la pleine régularité de son statut au jour du dépôt.
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Les « indépendants structurés » entrent dans le jeu : Vincent Toh Bi Irié et Assalé Tiémoko capitalisent sur une offre « probité/transition générationnelle », pendant qu’Ahoua Don Mello assume une candidature de rupture au sein de l’espace oppositionnel. Ils pèsent moins par le score anticipé que par leur capacité de nuisance/alliances au second tour (ou en amont).
Ce que va vraiment arbitrer le Conseil constitutionnel
Trois filtres décisifs, au-delà des pièces administratives :
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Droits civils et politiques (casier, jouissance des droits) – enjeu central pour Gbagbo ;
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Exclusivité de nationalité – point sensible pour Thiam (après renonciation à la nationalité française) ;
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Parrainage citoyen – seuil de 1 % de l’électorat dans au moins 50 % des régions/districts : il pourrait faire tomber plusieurs « candidatures de témoignage ».
Les stratégies, décodées
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RHDP (Ouattara) : déroulé « institutionnel » sans triomphalisme, recentré sur l’économie et la stabilité sous-régionale, en misant sur l’usure procédurale des adversaires et le filtre du parrainage pour écrémer.
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PPA-CI (Gbagbo) : faire de la judiciarisation une campagne – transformer toute invalidation en cause de mobilisation (civique et internationale).
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PDCI (Thiam) : mise sur la réassurance légale (nationalité) + coalition élargie urbains/diaspora/cadres économiques ; si validé tard, campagne éclair à fort contenu programmatique.
Indépendants/tiers partis : négocier visibilité et accords de désistement implicites ; leur poids se joue dans l’agrégation (ou non) autour d’un opposant pivot.
Trois scénarios (probabilités indicatives)
| Scénario | Ce qui le déclenche | Probabilité | Effets politiques |
|---|---|---|---|
| Validation large (Ouattara + Thiam + plusieurs opposants ; Gbagbo incertain) | Lecture souple des critères + parrainages suffisants | Moyenne | Campagne concurrentielle, risque de 2ᵉ tour si l’opposition s’ordonne |
| Validation restreinte (Ouattara, Thiam ou non, Gbagbo rejeté, écrémage massif des « petits ») | Interprétation stricte des droits civils/parrainage | Élevée | Victoire au 1ᵉʳ tour plus probable ; contestation de légitimité post-vote |
| Coup de théâtre juridique (Gbagbo validé) | Ré-admission expresse des droits civils et politiques | Faible | Reconfiguration majeure ; front anti-RHDP plus lisible |
Risques et points de vigilance
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Légitimité du scrutin : si la liste finale paraît « filtrée », montée du discours de délégitimation et de l’abstention/du boycott.
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Sécurité urbaine : mobilisations à Abidjan/Yopougon si invalidations emblématiques ; enjeu d’encadrement policier proportionné.
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Économie politique : la perception d’un scrutin non compétitif peut peser sur la prime de risque et certains flux d’investissement (cacao, BTP).
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Fragmentation de l’opposition : sans pacte de désistement et plateforme minimale (élections, coût de la vie, décentralisation), l’avantage structurel reste au sortant.
À surveiller dans les 10 jours
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Décisions motivées du Conseil (motifs précis : droits civils, nationalité, parrainage).
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Publication des parrainages validés, par territoire.
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Formation d’alliances côté opposition (désistements, partage de circonscriptions de campagne).
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Ton sécuritaire du gouvernement lors des rassemblements.
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Signal extérieur (CEDEAO/UA/UE) sur l’inclusivité du processus.
Verdict
La fermeture des dépôts n’éteint pas l’incertitude : elle la déplace du guichet de la CEI vers la salle d’audience du Conseil constitutionnel. Le RHDP vise un chemin court vers la réélection ; l’opposition joue sa survie stratégique au greffe (validation) et dans la rue (mobilisation). La présidentielle de 2025 se décidera moins sur des slogans que sur trois lignes : droit, parrainage, discipline de coalition.