L'ancien président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, a été condamné à mort ce mardi par la Haute Cour militaire de Kinshasa. Jugé par contumace pour trahison, crimes de guerre et complicité avec des groupes armés rebelles, l'homme qui a dirigé le pays de 2001 à 2019 a été reconnu coupable de l'ensemble des accusations portées contre lui. Ce verdict historique marque un tournant sans précédent dans l'histoire judiciaire congolaise.
Un procès en absentia au cœur des tensions politiques
Le procès s'est ouvert le 25 juillet 2025 devant la Haute Cour militaire de Kinshasa. Absent et en exil depuis plusieurs années, Joseph Kabila, 54 ans, n'a pas pu se présenter pour assurer sa défense. L'auditeur général Jean-René Likulia Bakulia a dressé une liste accablante d'accusations : viol, torture, déportation, homicide, trahison, crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité, et participation à un mouvement insurrectionnel.
Le parquet l'accuse d'être auteur, co-auteur ou complice des exactions commises dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l'Ituri, théâtres de violences récurrentes depuis des décennies.
Accusations de complicité avec le M23
Au cœur du dossier figurent les liens présumés de Joseph Kabila avec l'Alliance Fleuve Congo (AFC), branche politique du groupe armé M23, soutenu par le Rwanda. Le président actuel Félix Tshisekedi a publiquement accusé son prédécesseur d'être le "cerveau" derrière cette rébellion, menée par Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale sous l'ère Kabila.
Les preuves invoquées incluent des déclarations publiques de Kabila montrant une indulgence envers le M23, ainsi que son séjour de plusieurs semaines à Goma et Bukavu en janvier-février 2025, villes alors sous contrôle rebelle. Un avocat de la partie civile a même plaidé que l'ancien président "ne mérite pas d'être jugé comme un Congolais pour trahison, mais mérite d'être jugé comme espion".
Des dommages astronomiques réclamés
Les parties civiles – représentant l'État congolais, les provinces du Nord et Sud-Kivu, l'Ituri, ainsi que des ONG de victimes – ont réclamé une peine de prison à vie et 30 milliards de dollars de dommages et intérêts, soit près du double du budget national annuel. La République a mobilisé 2,4 millions de dollars pour rémunérer les avocats, justifiant ces honoraires par la "dangerosité" de Joseph Kabila et la sensibilité du dossier.
La Haute Cour n'a toutefois pas ordonné la confiscation des biens de l'ancien président, estimant que cette sanction n'existe pas dans le droit applicable.
Un verdict contesté
Dans une déclaration publiée début septembre, Joseph Kabila avait dénoncé des "accusations mensongères et politiquement motivées", affirmant que ce procès visait à "écarter un leader majeur de la scène politique" et à "faire taire l'opposition dans son ensemble". Son parti, le PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie), y voit une instrumentalisation de la justice à des fins politiques.
Implications et incertitudes
Si la peine de mort continue d'être prononcée en RDC, elle n'est plus appliquée depuis des années, ce qui laisse planer le doute sur l'exécution effective de ce jugement. L'arrestation immédiate ordonnée par la cour reste pour l'instant lettre morte, Joseph Kabila demeurant introuvable.
Ce verdict intervient dans un contexte de tensions extrêmes à l'Est de la RDC, où le M23 a intensifié ses opérations en 2025, capturant des villes stratégiques comme Goma. Les relations entre Kinshasa et Kigali, déjà tendues en raison du soutien présumé du Rwanda au M23, risquent de se dégrader davantage.
Cette condamnation historique soulève également des questions sur l'indépendance de la justice congolaise et sur la possibilité d'un procès équitable en l'absence de l'accusé. Dans un pays cherchant désespérément la stabilité, ce jugement risque d'approfondir les fractures politiques plutôt que de les guérir.