L'ancien chef de l’État congolais Joseph Kabila, 54 ans, est désormais officiellement jugé pour “crimes contre la paix” en République démocratique du Congo (RDC). La Haute cour militaire du pays entame, à partir de ce vendredi 25 juillet, un procès historique qui pourrait redéfinir le paysage politique congolais. Accusé de complicité avec le mouvement rebelle M23, soutenu par le Rwanda, Joseph Kabila fait face à de lourdes charges, parmi lesquelles trahison, participation à un mouvement insurrectionnel, homicide intentionnel, apologie de crime, viol, torture, et déportation. Ces accusations, d’une gravité extrême, sont passibles de la peine de mort.
Depuis la levée en 2024 du moratoire sur la peine capitale, en vigueur depuis 2003, cette issue judiciaire n’est plus seulement théorique. Même si aucune exécution n’a encore été menée, le spectre de la peine de mort ajoute une tension dramatique inédite à cette procédure.
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Joseph Kabila, un homme en retrait mais toujours influent
Bien que Joseph Kabila ait quitté le pouvoir en 2019 après 18 ans de règne, son ombre continue de planer sur la scène politique congolaise. Ancien président devenu sénateur à vie, il bénéficiait jusqu’à récemment d’une immunité parlementaire. Cette protection a été levée après un vote massif au Sénat (88 voix contre 5), sur requête du procureur général militaire, suite à des éléments jugés accablants.
L'ancien président réside aujourd’hui à l’étranger, bien qu’il ait été aperçu dans l’est de la RDC ces derniers mois. Sa discrétion depuis son départ du pouvoir ne l’a pas empêché d’entretenir, selon l’accusation, des liens étroits avec des éléments insurrectionnels, notamment le M23, groupe armé actif dans le Nord-Kivu, et historiquement soutenu par Kigali. Le mouvement a, ces dernières années, repris une ampleur inquiétante dans l'est du pays, prenant même brièvement le contrôle de la ville stratégique de Goma, ce qui figure parmi les faits reprochés à l’ex-président.
Le complot contre Tshisekedi : un coup d’État plutôt qu’un assassinat ?
L’un des éléments les plus explosifs du dossier est une conversation téléphonique présumée entre Joseph Kabila et un cadre du M23. Selon un témoignage clé du parquet, cette discussion aurait porté sur un plan rwandais visant à assassiner le président en exercice Félix Tshisekedi. Kabila, toujours d’après cette source, aurait désapprouvé l’idée, craignant que l’assassinat transforme son ancien allié devenu rival en “martyr” politique. Il aurait en revanche suggéré qu’un coup d’État militaire serait plus stratégique.
Ces révélations secouent l’opinion publique congolaise et internationale. Si les preuves s’avèrent recevables, ce serait la première fois dans l’histoire récente de la RDC qu’un ancien président serait directement impliqué dans un projet de déstabilisation du régime en place, avec l’aide d’un groupe armé étranger.
Un tournant historique pour la justice congolaise
Ce procès, inédit dans l’histoire de la RDC, soulève des enjeux majeurs. Pour les partisans de la transparence et de l'État de droit, voir Joseph Kabila jugé marque une avancée vers la fin de l’impunité des élites. Mais pour d’autres, cette affaire pourrait aussi être perçue comme une manœuvre politique de la part de Félix Tshisekedi, désireux d’éliminer une figure encore influente dans les coulisses du pouvoir.
L’affaire est suivie de près par les chancelleries occidentales, les ONG de défense des droits humains et les institutions régionales. Quelles que soient les conclusions de la Haute cour militaire, ce procès de Joseph Kabila pour “crimes contre la paix” pourrait bien redéfinir les rapports de force en RDC et raviver les tensions déjà très vives dans l’est du pays.