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Programme ADM 2025 : 42 propositions pour transformer la Côte d'Ivoire en un suicide économique

Publié le 11 octobre 2025Politique0 vues
Programme ADM 2025 : 42 propositions pour transformer la Côte d'Ivoire en un suicide économique

Ahoua Don-Mello, ingénieur brillant et docteur des Ponts et Chaussées, présente un programme présidentiel qui flatte les frustrations légitimes des Ivoiriens : dépendance économique, pauvreté persistante, mainmise étrangère sur les secteurs stratégiques. Mais derrière les slogans séduisants sur la "souveraineté" et le "panafricanisme", se cache un programme économiquement suicidaire, politiquement dangereux, et opérationnellement vide.

Décortiquons ces "42 propositions" qui promettent la lune mais livreraient le chaos.


Lire aussi : Programme ADO 2025-2030 : des rêves à plusieurs milliers de milliards : qui paiera la facture ?

Le fonds souverain fantôme : construire un château sur du sable

Le programme ADM repose entièrement sur un Fonds Souverain censé financer toutes les réformes : nationalisation des secteurs stratégiques, complexe militaro-industriel, technopoles dans chaque région, transformation agricole, révolution ferroviaire, etc. Un seul problème : ce fonds n'existe que dans l'imagination de ses concepteurs.

Le document affirme que la Côte d'Ivoire dispose de "19 675 milliards de barils de pétrole" valorisés à 100 000 milliards de dollars. Un instant de vérification suffit pour constater l'imposture : les réserves prouvées de pétrole de la Côte d'Ivoire tournent autour de 100 millions de barils, pas 19 milliards. Quelqu'un a visiblement confondu les unités ou rêvé d'un miracle géologique.

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Même en imaginant des découvertes massives futures, ces ressources restent dans le sous-sol. Un fonds souverain se construit avec des excédents budgétaires réels, pas avec des réserves hypothétiques. Or, le programme ADM reconnaît lui-même que la Côte d'Ivoire emprunte 40% de son budget pour rembourser sa dette. Comment créer un fonds d'investissement quand on est structurellement déficitaire ?

La Norvège a mis 40 ans à bâtir le plus grand fonds souverain du monde (1 400 milliards de dollars) grâce à une discipline budgétaire de fer et des revenus pétroliers colossaux. ADM promet de faire mieux sans argent, sans discipline, et avec des réserves imaginaires. C'est de l'alchimie économique.

Nationaliser pour mieux s'effondrer : le précédent vénézuélien

La proposition n°2 du programme ADM est d'une brutalité confondante : transférer à l'État et aux "agents économiques nationaux" tous les secteurs stratégiques actuellement contrôlés par des multinationales – eau, électricité, télécommunications, ports, aéroports, transports, banques, industries pharmaceutiques.

Cette nationalisation déguisée serait décrétée, puis mise en œuvre sans aucun plan de transition détaillé. Le programme ne répond à aucune question opérationnelle :

  • Qui remplacera les opérateurs actuels ? Les fonctionnaires ivoiriens ont-ils les compétences pour gérer une centrale électrique, un port international, ou un réseau de télécommunications ?
  • Quel financement ? Racheter ces actifs coûterait des dizaines de milliards de dollars. L'argent viendra du fonds souverain fantôme ?
  • Quelles conséquences immédiates ? Fuite massive des capitaux, effondrement de la notation souveraine, arrêt net des investissements directs étrangers qui représentent 15% du PIB.
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Le Venezuela de Chávez a suivi exactement ce scénario : nationalisation des secteurs stratégiques au nom de la souveraineté, fuite des compétences étrangères, effondrement de la production, pénuries généralisées, hyperinflation. Résultat : 7 millions de Vénézuéliens ont fui le pays, le PIB s'est effondré de 75%, et la souveraineté promise s'est transformée en misère généralisée.

Mais peut-être ADM a-t-il une recette magique que Chávez ignorait ?

Le complexe militaro-industriel : délire de grandeur à plusieurs milliards

Pour "échapper aux embargos" et "construire une armée dissuasive", le programme ADM propose de créer un complexe militaro-industriel capable de produire armes et munitions localement. Noble ambition, mais complètement déconnectée des réalités économiques et techniques.

Développer une industrie de défense crédible nécessite :

  • Des dizaines de milliards de dollars d'investissement initial
  • Des décennies de transfert de technologie
  • Une base industrielle solide (métallurgie, électronique, chimie de pointe)
  • Un marché suffisant pour rentabiliser la production

Seuls quelques pays émergents y sont parvenus après 40 ans d'efforts soutenus : Brésil, Inde, Afrique du Sud, Corée du Sud. Et ils ont commencé avec des bases industrielles bien plus développées que la Côte d'Ivoire.

Mais le comble du cynisme réside dans la justification : le programme cite le "massacre des Ivoiriens" durant la crise post-électorale pour justifier le départ de l'armée française, puis propose de s'allier avec la Russie. Quelqu'un a-t-il expliqué à ADM ce qui se passe au Mali depuis l'arrivée de Wagner ? L'insécurité y est pire qu'avant, les massacres de civils se multiplient, et la souveraineté promise ressemble davantage à une occupation déguisée.

Remplacer une dépendance par une autre n'est pas de la souveraineté. C'est du néocolonialisme avec un nouveau maître.

Le statut de "fermier" : transformer des paysans en entrepreneurs sans moyens

Le programme ADM veut révolutionner l'agriculture en transformant les paysans en "fermiers entrepreneurs" capables de "produire et vendre directement sur les marchés nationaux et internationaux". L'intention est louable, mais l'approche frôle l'incompréhension totale du secteur agricole ivoirien.

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Les obstacles concrets sont évacués d'un revers de main :

  • 200 000 km de pistes rurales non praticables ? Le programme promet de les viabiliser. Coût estimé : plusieurs centaines de milliards de FCFA. Financement : le fonds souverain fantôme.
  • Accès au crédit ? On créera un nouveau système de financement obligeant les banques à prêter sans garantie. Résultat prévisible : crise bancaire.
  • Compétences de gestion d'entreprise ? On formera les paysans. Avec quels formateurs ? Quelles infrastructures ? Quel calendrier ?

Le programme ignore une réalité têtue : devenir fermier entrepreneur nécessite un capital initial considérable (terres titrées, équipements, intrants, infrastructures de stockage), des compétences commerciales et comptables, et un accès fiable aux marchés. Les paysans ivoiriens, dont beaucoup survivent avec moins de 2 dollars par jour, n'ont aucun de ces atouts.

Promettre la transformation agricole sans investissement massif et accompagnement de longue durée, c'est vendre du rêve à crédit. Et le crédit, dans ce programme, est hypothétique.

La réforme bancaire : fabriquer une crise financière sur commande

La proposition n°4 du programme ADM veut "créer un environnement financier approprié" en obligeant les banques à prêter massivement aux PME, au secteur informel, et aux "porteurs de projets à haut potentiel". Le tout sans garanties suffisantes, dans le cadre d'un "partenariat" État-banque centrale-banques commerciales.

Cette proposition ignore les leçons élémentaires de l'économie bancaire. Une banque prête en évaluant le risque. Obliger les banques à prêter sans évaluation rigoureuse, c'est créer des créances douteuses qui finiront par exploser. La crise des subprimes de 2008, qui a failli détruire le système financier mondial, est née exactement de cette logique : prêter à des emprunteurs non solvables.

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Plus inquiétant encore, le programme affirme vouloir faire passer le taux d'investissement à "plus de 100% du PIB comme la Corée du Sud". Cette affirmation trahit une incompréhension fondamentale. Un taux d'investissement supérieur à 100% du PIB est mathématiquement impossible sur le long terme sans épargne domestique massive ou flux d'IDE colossaux. La Corée du Sud a atteint ce niveau temporairement dans les années 1960-1970 grâce à l'aide américaine massive et à un taux d'épargne domestique record (plus de 35% du PIB).

La Côte d'Ivoire, avec un taux d'épargne domestique anémique et un programme qui chasse les investisseurs étrangers, prétend faire mieux. C'est du wishful thinking élevé au rang de politique économique.

Le contenu local obligatoire : protectionnisme suicidaire

Le programme ADM veut imposer un "contenu local obligatoire" avec des quotas de sous-traitance nationale dans tous les grands projets. Cette mesure, présentée comme un outil de souveraineté économique, est en réalité un repoussoir à investissements.

Les entreprises étrangères calculent. Si vous leur imposez de sous-traiter à des PME locales souvent moins compétitives et plus chères, elles iront investir ailleurs – au Ghana, en Côte d'Ivoire, au Sénégal. Résultat : moins d'investissements, moins d'emplois, moins de transfert de technologie.

Le paradoxe atteint son comble quand on réalise que le programme ADM prône simultanément le "renforcement du commerce intra-africain". Comment commercer librement avec les pays voisins tout en érigeant des barrières protectionnistes contre les investisseurs étrangers ? Comment intégrer la CEDEAO tout en nationalisant les secteurs stratégiques ?

Le panafricanisme nécessite l'ouverture, la coopération, la libre circulation des capitaux et des biens. Le programme ADM propose l'inverse : un repli nationaliste déguisé en souveraineté.

L'annulation des accords de défense : naïveté géopolitique ou calcul cynique ?

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La proposition n°1 du programme ADM est d'annuler par décret les accords de défense avec la France. Le départ de l'armée française, déjà amorcé, serait parachevé, et la Côte d'Ivoire signerait "un accord stratégique avec les BRICS, notamment la Russie".

Cette bascule géopolitique brutale ignore les conséquences prévisibles :

  • Embargo occidental : sanctions économiques, gel des avoirs, coupure de l'aide au développement (plusieurs milliards d'euros par an)
  • Isolement diplomatique : la Côte d'Ivoire perdrait ses alliés traditionnels sans garantie que les BRICS compenseront
  • Insécurité accrue : comment affronter la menace jihadiste au nord sans partenaires sécuritaires crédibles ?

Le Mali, la Centrafrique et le Burkina Faso ont suivi ce chemin. Résultat : présence de mercenaires russes de Wagner, multiplication des massacres de civils, recul territorial face aux groupes armés, effondrement de l'économie. La souveraineté promise s'est transformée en chaos sécuritaire et humanitaire.

Mais peut-être ADM croit-il que la Côte d'Ivoire sera l'exception ? Ou peut-être considère-t-il que le chaos vaut mieux que la "dépendance" ?

La Constituante : fabriquer l'instabilité sur commande

Le programme ADM propose de convoquer une Constituante pour fonder une "quatrième République démocratique et souveraine". Cette proposition, présentée comme une refondation nécessaire, est en réalité une bombe à retardement politique.

Les questions opérationnelles restent sans réponse :

  • Qui compose la Constituante ? Sur quels critères ?
  • Quelle légitimité ? ADM lui-même qualifie sa candidature de "candidature de précaution" et promet de se retirer si Gbagbo peut se présenter
  • Quel calendrier ? Combien de temps pour rédiger une nouvelle Constitution ?
  • Quelle période de transition ? Une "Charte de transition" est mentionnée mais non détaillée

Les précédents historiques sont peu rassurants. La Tunisie (2011-2014) et l'Égypte (2011-2013) ont convoqué des Constituantes après leurs révolutions. Résultat : des années de chaos politique, d'affrontements violents, de blocages institutionnels, pendant que l'économie s'effondrait et que le peuple souffrait.

Une Constituante contestée dans ses modalités de formation ou dans ses conclusions pourrait replonger la Côte d'Ivoire dans la violence. Mais peut-être est-ce là l'objectif caché : créer le chaos pour se positionner en sauveur ?

L'amnistie générale : impunité sans vérité ni réparation

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Le programme ADM propose une amnistie générale pour "tous les prisonniers civils, militaires et politiques" et l'annulation de "toutes les sanctions frappant les candidats à l'élection présidentielle". Cette mesure, présentée comme un outil de réconciliation, est en réalité une recette d'impunité et de tensions futures.

Une vraie réconciliation nécessite quatre piliers : vérité, justice, réparation, garanties de non-répétition. L'amnistie seule, sans processus de justice transitionnelle, revient à dire aux victimes : "Votre souffrance ne compte pas. Passons à autre chose."

Les auteurs de crimes graves (massacres, viols, spoliations) seraient libérés sans avoir reconnu leurs actes, sans avoir présenté d'excuses, sans avoir réparé le préjudice. Comment les victimes réagiront-elles ? Comment construire une société apaisée sur une telle injustice ?

Pire encore, l'amnistie sans vérité ne règle rien. Les rancœurs persistent, les règlements de compte se préparent, et la violence ressurgit à la première occasion. L'histoire africaine est jalonnée d'amnisties ratées : Rwanda (avant le génocide), Libéria, Sierra Leone. Chaque fois, la paix promise s'est révélée être une simple pause avant le prochain carnage.

Les technopoles partout : copier-coller sans stratégie

Le programme ADM mentionne des "technopoles" dans pratiquement chaque proposition : agropoles, technopoles de santé, technopoles pédagogiques, technopoles de défense, pôles d'intelligence artificielle, pôles de data centers, etc. Cette multiplication sémantique cache une vacuité conceptuelle.

Qu'est-ce qu'une technopole concrètement dans le programme ADM ? Aucune définition claire. Comment seront-elles financées ? Le fonds souverain fantôme. Qui fournira les chercheurs, ingénieurs, techniciens ? Mystère. Quel modèle économique pour assurer leur viabilité ? Silence radio.

Une vraie technopole (Silicon Valley, Bangalore, Shenzhen) nécessite :

  • Des décennies d'investissement patient
  • Un écosystème complet (universités d'excellence, centres de recherche, capital-risque, culture entrepreneuriale)
  • Une masse critique de talents
  • Des infrastructures de classe mondiale
  • Des débouchés commerciaux solides

La Côte d'Ivoire, avec un système éducatif sous-équipé, un taux d'analphabétisme de 50%, et un déficit chronique d'ingénieurs, prétend créer des technopoles dans chaque région. C'est vouloir construire des cathédrales quand on manque de briques.

La décentralisation centralisatrice : oxymore administratif

Le programme ADM propose de ramener les régions à 12 et de les doter de "Ministres-Gouverneurs nommés par le Chef de l'État". Chaque région bénéficierait d'un aéroport, d'un hôpital de référence, d'un pôle universitaire, d'une zone économique spéciale, etc.

Deux problèmes majeurs :

Premièrement, ce n'est pas de la décentralisation mais de la déconcentration. Des ministres nommés par le président ne représentent pas les populations locales, ils exécutent les ordres du centre. La vraie décentralisation donne le pouvoir aux élus locaux, pas à des préfets rebaptisés.

Deuxièmement, le coût serait astronomique. Équiper 12 régions avec des infrastructures de classe mondiale (aéroports, hôpitaux, universités, zones économiques) nécessiterait des dizaines de milliers de milliards de FCFA. Le programme ne chiffre rien, ne priorise rien, ne planifie rien.

Cette pseudo-décentralisation créerait plutôt une bureaucratie démultipliée, avec 12 mini-administrations régionales reproduisant les défauts du système central : lourdeur, corruption, inefficacité. Le remède serait pire que le mal.

L'éducation miracle : alphabétiser 50% de la population sans moyens

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Le programme ADM promet de lutter contre l'analphabétisme (50% des adultes) tout en réformant complètement le système éducatif, en créant des technopoles pédagogiques, et en impliquant les retraités comme enseignants volontaires.

Les défis concrets sont esquivés :

  • Combien de centres d'alphabétisation ? Des milliers nécessaires.
  • Combien de formateurs ? Des dizaines de milliers.
  • Quel matériel pédagogique ? À concevoir, produire, distribuer.
  • Quel financement ? Le fonds souverain imaginaire.
  • Quel calendrier ? Alphabétiser 10 millions d'adultes prend des décennies.

Quant à impliquer les retraités comme enseignants volontaires, l'idée est touchante mais irréaliste. Combien de retraités sont pédagogiquement formés ? Combien accepteront de travailler gratuitement ou quasi-gratuitement ? Combien ont l'énergie physique pour enseigner à plein temps ?

Cette proposition illustre une constante du programme ADM : habiller des vœux pieux en solutions concrètes, sans jamais expliquer le "comment".

Le service civique obligatoire : moralisation forcée ou embrigadement ?

Le programme ADM veut créer un service civique pour "former professionnellement, éduquer au civisme, moraliser la jeunesse, lutter contre le banditisme et la drogue". Cette proposition fourre-tout soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses.

  • Combien de jeunes concernés ? Des centaines de milliers chaque année ?
  • Quelle durée ? 6 mois ? Un an ? Deux ans ?
  • Qui les encadre ? Des militaires ? Des fonctionnaires ? Des ONG ?
  • Où les accueillir ? Faut-il construire des camps dans chaque région ?
  • Quel coût ? Hébergement, nourriture, formation, encadrement : des milliards annuels.

Plus inquiétant, l'objectif de "moralisation de la jeunesse" sent le paternalisme autoritaire. Qui décide de ce qu'est une jeunesse "morale" ? Quels critères ? Quelles sanctions pour les réfractaires ? Le service civique risque de se transformer en camps de rééducation idéologique plutôt qu'en outil d'insertion.

Les pays qui ont réussi leurs services civiques (Allemagne, Corée du Sud) les ont conçus comme des programmes volontaires, bien financés, clairement orientés vers l'utilité publique. Le programme ADM propose une conscription déguisée, mal définie, probablement sous-financée. Échec garanti.

La loi sur les religions : instrumentaliser les mosquées et les églises

Le programme ADM veut faire adopter une "loi sur les religions" pour "rechercher un accord avec les chefs religieux" afin qu'ils participent à l'éducation nationale et à la protection sociale. Cette proposition pose des questions de laïcité et d'efficacité.

Premièrement, utiliser les lieux de culte pour des activités éducatives et sociales brouille la séparation entre l'État et les religions. Les mosquées et églises deviendraient des annexes de l'administration publique. Qui contrôle le contenu des enseignements dispensés ? Comment garantir la neutralité religieuse ?

Deuxièmement, les chefs religieux sont-ils formés pour dispenser une éducation de qualité ? Ont-ils les compétences pédagogiques ? Les ressources matérielles ? Le temps disponible ?

Troisièmement, cette proposition ressemble davantage à un aveu d'échec qu'à une solution : l'État reconnaît implicitement qu'il est incapable d'assurer ses missions régaliennes (éducation, protection sociale) et sous-traite aux structures religieuses. C'est un désengagement déguisé en innovation.

Le transport révolutionnaire : promesses ferroviaires démesurées

Le programme ADM promet une "révolution ferroviaire, aérienne, lagunaire et maritime" sans préciser ni les projets, ni les coûts, ni les calendriers. La ligne Abidjan-Ouagadougou sera réhabilitée (projet déjà en cours), des lignes nouvelles seront construites, le transport lagunaire sera développé.

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Tout cela sonne bien, mais les infrastructures de transport coûtent des fortunes. Un kilomètre de voie ferrée coûte entre 5 et 15 millions de dollars selon le terrain. Un nouveau port en eau profonde ? Plusieurs milliards de dollars. Un aéroport international moderne ? Un milliard de dollars minimum.

Le programme ADM liste des dizaines de projets d'infrastructures sans un seul chiffre de coût total. C'est comme établir une liste de courses sans regarder le prix des articles ni le contenu de son portefeuille. Dans la vraie vie, ça s'appelle de l'irresponsabilité.

La consultation démocratique sur la monnaie : démagogie monétaire

Le programme ADM veut organiser une "consultation démocratique" pour "impliquer le peuple" dans les décisions sur la souveraineté monétaire, l'intégration sous-régionale (ECO), et continentale (AFRO).

Cette proposition part d'une idée louable (associer les citoyens aux grandes décisions) mais ignore une réalité : la politique monétaire est complexe, technique, et nécessite une expertise pointue. Demander au "peuple" de voter sur le taux directeur de la banque centrale ou sur la création d'une monnaie commune, c'est comme demander à des passagers de piloter un avion en vol.

Les démocraties modernes confient la politique monétaire à des banques centrales indépendantes précisément pour éviter les manipulations populistes. Quand les politiciens contrôlent la planche à billets, la tentation est irrésistible d'imprimer de l'argent pour financer les promesses électorales. Résultat : inflation galopante, destruction de la valeur de la monnaie, appauvrissement généralisé.

Le Zimbabwe de Mugabe a imprimé des billets de 100 000 milliards de dollars zimbabwéens. Le Venezuela de Maduro a vu son inflation dépasser 1 000 000%. La Côte d'Ivoire d'ADM risque de suivre le même chemin si elle "démocratise" la politique monétaire.

La réforme du découpage territorial : charcutage électoral ?

Le programme ADM veut ramener les régions de 14 à 12 et redéfinir les départements. Cette réforme administrative est présentée comme un outil de décentralisation, mais elle soulève des soupçons de manipulation électorale.

Qui décide du nouveau découpage ? Quels critères sont appliqués ? Historiques ? Économiques ? Ethniques ? Le programme reste muet. Or, le découpage territorial est un enjeu politique majeur : il détermine les circonscriptions électorales, donc les rapports de force.

Un découpage favorable peut assurer une majorité parlementaire même avec une minorité de voix au niveau national (voir le gerrymandering aux États-Unis). Un découpage défavorable peut marginaliser des régions entières et attiser les tensions communautaires.

Sans processus transparent, sans consultation large, sans critères objectifs, cette réforme risque d'être perçue comme un charcutage électoral au service d'un parti. Et dans un pays encore fragilisé par les crises passées, ce serait jouer avec le feu.

Le mythe du contenu local dans le PIB

Le programme ADM affirme que le problème central de l'économie ivoirienne est le "faible contenu local du PIB" : la richesse produite en Côte d'Ivoire profite surtout aux étrangers qui la rapatrient dans leurs pays.

Ce diagnostic contient une part de vérité mais exagère considérablement le phénomène. Les investissements directs étrangers (IDE) créent des emplois locaux, paient des impôts locaux, forment des travailleurs locaux, développent des infrastructures locales. Le bénéfice n'est pas à sens unique.

De plus, vouloir maximiser le contenu local en chassant les investisseurs étrangers revient à tuer la poule aux œufs d'or. Les pays qui se sont développés (Corée du Sud, Singapour, Malaisie, Chine) ont massivement attiré les IDE pour bénéficier de leurs capitaux, technologies, et accès aux marchés mondiaux. Puis, progressivement, ils ont développé leurs champions nationaux.

Le programme ADM propose l'inverse : chasser les étrangers d'abord, développer les champions nationaux ensuite. C'est mettre la charrue avant les bœufs. Sans capitaux, sans technologie, sans accès aux marchés, les "champions nationaux" resteront des pygmées économiques.

L'exploitation minière : propriétaires fonciers contre permis miniers

Le programme ADM veut "faire du propriétaire foncier un acteur majeur de l'exploitation du sous-sol". L'intention est de compenser les pertes d'exploitation du sol et de réduire les conflits entre détenteurs de permis miniers et propriétaires terriens.

Cette proposition soulève plus de problèmes qu'elle n'en résout :

Premièrement, dans la plupart des législations minières, le sous-sol appartient à l'État, pas au propriétaire de la surface. Changer ce principe revient à privatiser les ressources minérales nationales. Est-ce vraiment souhaitable ?

Deuxièmement, comment évaluer la compensation due au propriétaire foncier ? Selon quels critères ? Pour quelle durée ? Avec quels mécanismes de contrôle ?

Troisièmement, cette mesure risque de bloquer l'exploitation minière. Si chaque propriétaire foncier peut négocier individuellement, les projets miniers (qui nécessitent de vastes superficies) deviendront ingérables. C'est la recette parfaite pour paralyser le secteur.

Encore une fois, une intention louable (protéger les droits des propriétaires fonciers) débouche sur une proposition mal conçue aux conséquences potentiellement désastreuses.

La diplomatie économique : slogan creux sans contenu

Le programme ADM veut faire adopter une "loi sur la diplomatie économique, scientifique, technique et technologique" pour "réorganiser la diplomatie" et en faire un outil de "veille" et de création d'opportunités.

Tout cela sonne bien, mais c'est déjà le rôle normal de la diplomatie. Les ambassades et consulats sont censés promouvoir les intérêts économiques de leur pays, identifier les opportunités commerciales, faciliter les partenariats. Faut-il une loi pour rappeler aux diplomates leur mission ?

Cette proposition illustre une tendance du programme ADM : multiplier les lois, décrets, stratégies, plans, sans jamais expliquer concrètement ce qui changera sur le terrain. C'est du vocabulaire bureaucratique élevé au rang de politique publique.

Le Conseil des Sages : gerontocratie déguisée ?

Le programme ADM veut créer un Conseil des Sages composé d'anciens chefs d'État, d'anciens chefs de partis, et de "personnalités reconnues pour leur sagesse". Cette instance serait chargée de rechercher le consensus sur les questions importantes.

Plusieurs problèmes :

Premièrement, les "anciens chefs d'État" ivoiriens ne sont pas tous recommandables. Certains portent une responsabilité dans les crises passées. Leur donner une position institutionnelle reviendrait à les réhabiliter sans jugement.

Deuxièmement, qui décide qui est "sage" ? Quels critères objectifs ? Ce sera inévitablement un choix politique, donc partisan.

Troisièmement, créer une instance consultative de plus ne résout rien si la volonté politique de compromis n'existe pas. Le Burkina Faso, le Mali, le Niger ont tous eu des "conseils de sages", des "forums de réconciliation", des "conférences nationales". Résultat : coups d'État, instabilité chronique, conflits persistants.

Les institutions ne créent pas la sagesse. Elles ne peuvent que canaliser une volonté politique préexistante de dialogue. Sans cette volonté, le Conseil des Sages sera une coquille vide de plus dans le paysage institutionnel.

Programmes environnementaux : verdissement de façade

Le chantier stratégique 4 du programme ADM concerne "le renforcement de la résilience face aux risques naturels et climatiques". Trois mesures sont proposées :

  • Restaurer le couvert forestier à 20%
  • Formuler un plan de riposte aux catastrophes naturelles
  • Protéger les côtes contre l'érosion marine

Ces propositions, encore une fois, sont des vœux pieux sans substance.

Restaurer le couvert forestier à 20% ? La Côte d'Ivoire a perdu 90% de ses forêts depuis l'indépendance. Le rythme de déforestation reste alarmant malgré les promesses répétées de tous les régimes. Restaurer 10% de couvert forestier nécessiterait :

  • Des dizaines de milliers d'hectares à reboiser chaque année
  • Une lutte implacable contre les défrichements illégaux
  • Des alternatives économiques pour les populations qui vivent de l'agriculture extensive
  • Un budget colossal sur plusieurs décennies

Le programme ADM ne propose aucun mécanisme concret pour atteindre cet objectif. Pas de budget, pas de calendrier, pas de sanctions pour les contrevenants, pas d'incitations pour les acteurs vertueux. Juste un pourcentage jeté dans un document.

Le plan de riposte aux catastrophes ? La Côte d'Ivoire subit déjà des inondations meurtrières chaque année, particulièrement à Abidjan. Que propose concrètement le programme ADM ? Rien. Aucun détail sur les infrastructures de drainage à construire, les systèmes d'alerte précoce à déployer, les capacités d'intervention à renforcer.

La protection des côtes ? L'érosion marine menace effectivement plusieurs villes côtières (Grand-Bassam, Port-Bouët, etc.). Les solutions existent : digues, épis, rechargement en sable, aménagement du littoral. Mais tout cela coûte des milliards. Le programme ADM évoque le problème sans proposer de solution financée.

L'environnement dans le programme ADM ressemble à ces faire-valoir que tous les candidats ajoutent pour paraître responsables, sans jamais avoir l'intention de les mettre en œuvre. C'est du greenwashing électoral.

Le piège de la souveraineté absolue : l'autarcie n'est pas l'indépendance

Le terme "souveraineté" revient obsessionnellement dans le programme ADM : souveraineté militaire, économique, monétaire, alimentaire, technologique. Cette obsession cache une confusion conceptuelle dangereuse entre souveraineté et autarcie.

La vraie souveraineté, c'est la capacité d'un État à prendre ses décisions de manière autonome, en fonction de ses intérêts, tout en maintenant des relations équilibrées avec les autres nations. C'est la France qui choisit de coopérer avec l'Allemagne dans l'UE, la Corée du Sud qui accueille des bases américaines, Singapour qui se positionne comme hub financier mondial.

L'autarcie, c'est la fermeture sur soi, le rejet des partenariats étrangers, la prétention de tout produire localement. C'est la Corée du Nord, le Myanmar des années 1960-1990, l'Albanie d'Enver Hoxha. Résultat : pauvreté chronique, retard technologique, isolement diplomatique.

Le programme ADM penche dangereusement vers l'autarcie :

  • Nationaliser les secteurs stratégiques = chasser les partenaires étrangers
  • Imposer le contenu local = ériger des barrières protectionnistes
  • Rompre les accords monétaires = s'isoler de la zone franc
  • Annuler les accords de défense = se priver d'alliés sécuritaires

Cette stratégie ne rendra pas la Côte d'Ivoire souveraine. Elle la rendra isolée, fragile, pauvre. La souveraineté réelle nécessite la puissance économique, technologique, militaire. Et cette puissance se construit par l'ouverture stratégique, pas par le repli défensif.

Le panafricanisme de salon : slogans sans substance

Le programme ADM se revendique "panafricaniste" et propose une "loi-cadre sur le panafricanisme" pour favoriser l'intégration sous-régionale et continentale. Mais à y regarder de près, ce panafricanisme ressemble davantage à un slogan qu'à une politique concrète.

Premièrement, le programme veut simultanément promouvoir l'intégration africaine et nationaliser les secteurs stratégiques. C'est contradictoire. L'intégration nécessite la libre circulation des capitaux, des biens, des services. Nationaliser et imposer le contenu local, c'est ériger des barrières, pas les abattre.

Deuxièmement, le programme évoque vaguement le commerce avec le Mali, le Nigeria, la CEDEAO, l'AES, sans jamais expliquer concrètement comment faciliter ces échanges. Quelles infrastructures transfrontalières ? Quels accords commerciaux ? Quelles harmonisations réglementaires ?

Troisièmement, le vrai panafricanisme nécessite des investissements massifs dans l'interconnexion : routes transnationales, chemins de fer intégrés, réseaux électriques partagés, zones de libre-échange opérationnelles. Le programme ADM ne budgétise aucun de ces projets.

Le panafricanisme d'ADM se résume donc à du name-dropping : citer l'Agenda 2063 de l'Union Africaine, évoquer la ZLECAF, mentionner les BRICS. Mais sans jamais proposer d'actions concrètes, mesurables, financées. C'est du panafricanisme de discours, pas de réalisation.

L'absence criante de priorités : tout faire, c'est ne rien faire

Le programme ADM liste 42 propositions réparties sur 4 chantiers stratégiques. Chaque proposition se décline en multiples sous-actions. Au total, ce sont des centaines d'initiatives qui sont promises simultanément :

  • Nationaliser les secteurs stratégiques
  • Créer un fonds souverain
  • Construire un complexe militaro-industriel
  • Transformer l'agriculture
  • Réformer le système bancaire
  • Révolutionner les transports
  • Créer des technopoles dans chaque région
  • Alphabétiser 50% de la population
  • Convoquer une Constituante
  • Réformer le découpage territorial
  • Restaurer 10% de forêts
  • Etc., etc., etc.

Aucune priorisation. Tout est présenté comme également urgent et important. Or, dans la vraie vie, gouverner c'est choisir. Les ressources sont limitées (argent, personnel compétent, temps politique). Vouloir tout faire simultanément garantit qu'on ne fera rien correctement.

Les pays qui se sont développés ont tous suivi une stratégie séquentielle :

  • La Corée du Sud s'est d'abord concentrée sur l'éducation de base et l'industrie légère (années 1960-1970), puis sur l'industrie lourde (années 1980), puis sur la high-tech (années 1990-2000)
  • Singapour s'est d'abord focalisé sur devenir un hub logistique et financier, puis a développé l'industrie, puis la recherche
  • La Chine a ouvert des zones économiques spéciales dans quelques villes côtières avant de généraliser le modèle

Le programme ADM veut tout faire partout en même temps. C'est la recette garantie de la dispersion, de l'échec, et du gaspillage des rares ressources disponibles.

La tentation populiste : flatter les frustrations sans résoudre les problèmes

Le programme ADM excelle dans un exercice : identifier les frustrations légitimes des Ivoiriens et promettre des solutions radicales qui flattent ces frustrations sans jamais résoudre les problèmes sous-jacents.

Frustration : La dépendance économique vis-à-vis de la France et des multinationales Solution ADM : Tout nationaliser, rompre tous les accords Vrai problème non résolu : Comment créer de la valeur localement sans capitaux, sans technologie, sans compétences ?

Frustration : La pauvreté persistante malgré la croissance Solution ADM : Créer un fonds souverain avec les ressources naturelles Vrai problème non résolu : Ces ressources sont dans le sous-sol, pas dans les caisses de l'État

Frustration : Le système éducatif défaillant Solution ADM : Impliquer les retraités et les religieux Vrai problème non résolu : Manque d'infrastructures, de matériel pédagogique, de formation des enseignants

Frustration : Les tensions politiques et les injustices du passé Solution ADM : Amnistie générale Vrai problème non résolu : Absence de vérité, de justice, de réparation

Cette approche populiste est dangereuse car elle entretient l'illusion que des solutions simples existent à des problèmes complexes. Il suffirait de la "volonté politique" pour tout changer du jour au lendemain. C'est faux et irresponsable.

Le développement économique et social nécessite du temps, de la patience, des investissements soutenus, des réformes progressives. Il n'y a pas de raccourci miracle. Promettre le contraire, c'est mentir aux électeurs.

Le silence assourdissant sur les compétences

Un aspect frappe par son absence totale dans le programme ADM : la question des compétences humaines. Nationaliser les secteurs stratégiques, créer un complexe militaro-industriel, développer des technopoles, transformer l'agriculture, révolutionner les transports – tout cela nécessite des compétences pointues que la Côte d'Ivoire ne possède pas actuellement en quantité suffisante.

Qui gérera les centrales électriques, les réseaux de télécommunications, les ports une fois nationalisés ? Les cadres actuellement formés par les multinationales partiront avec elles. Qui les remplacera ?

Qui concevra les armes et munitions dans le complexe militaro-industriel promis ? Des ingénieurs en armement nécessitent 10 à 15 ans de formation spécialisée. Où sont-ils ?

Qui animera les technopoles agricoles, médicales, pédagogiques ? Des chercheurs de haut niveau, formés à l'international, attirés par des conditions compétitives. La Côte d'Ivoire peut-elle les former ou les attirer ?

Le programme ADM semble croire que la volonté politique suffit, que les compétences se décrètent. C'est une vision magique du développement qui ignore une réalité têtue : le capital humain se construit lentement, dans la durée, par l'éducation, la formation, l'expérience.

Nationaliser sans avoir les compétences pour gérer, c'est garantir l'effondrement des services. L'histoire est jalonnée d'exemples : compagnies aériennes africaines nationalisées puis ruinées, ports mal gérés devenus des goulots d'étranglement, industries étatiques chroniquement déficitaires.

Le coût politique de la rupture : vers une nouvelle crise ?

Le programme ADM propose une rupture brutale avec l'ordre politique, économique et sécuritaire actuel. Cette rupture ne se fera pas sans résistance, ni sans coûts politiques potentiellement catastrophiques.

Qui acceptera sans réagir la nationalisation de ses actifs ? Les multinationales iront en justice, obtiendront des condamnations internationales, feront geler les avoirs ivoiriens à l'étranger.

Qui restera passif face à l'annulation des accords de défense et au rapprochement avec la Russie ? Les partenaires occidentaux riposteront par des sanctions économiques et diplomatiques.

Qui cautionnera une Constituante imposée sans consensus préalable ? Les partis d'opposition et les groupes sociaux exclus contesteront sa légitimité, potentiellement par la violence.

Qui acceptera un découpage territorial remanié sans consultation ? Les régions perdantes protesteront, les tensions communautaires resurgiront.

La Côte d'Ivoire a traversé deux décennies de crises (1999-2011) aux conséquences tragiques : milliers de morts, économie détruite, tissu social déchiré. Le pays s'est péniblement reconstruit. Le programme ADM risque de replonger le pays dans l'instabilité en voulant brusquer des changements qui nécessiteraient du dialogue, du consensus, et de la progressivité.

Une révolution non préparée, non consensuelle, non financée ne produit pas le développement. Elle produit le chaos.

Comparaison des deux programmes : entre optimisme excessif et radicalisme suicidaire

Critère Programme ADO Programme ADM
Approche Continuité, accumulation Rupture totale, révolution
Chiffrage Objectifs chiffrés, coûts non détaillés Aucun chiffre de coût
Financement Emprunts, IDE, PPP (flou) Fonds souverain imaginaire
Faisabilité 20% réalisable 5% réalisable
Risques majeurs Dispersion, surendettement, promesses non tenues Effondrement économique, isolement international, instabilité politique
Secteur privé Rôle central mais peu d'autonomisation locale Nationalisation, contenu local obligatoire
Relations internationales Continuité des alliances Rupture avec l'Occident, rapprochement BRICS/Russie
Délai de mise en œuvre 5 ans (irréaliste mais défendable) Indéterminé (probablement décennies)

Le programme ADO pèche par excès d'ambition, manque de priorisation, et absence de financement clair. Mais il reste dans le cadre du possible, même s'il promet trop.

Le programme ADM sort complètement du cadre du réalisable. C'est un manifeste idéologique qui ignore les contraintes économiques, géopolitiques et humaines. Si appliqué, il provoquerait une crise multidimensionnelle :

  • Crise économique (fuite des capitaux, effondrement des services, pénuries)
  • Crise financière (impossibilité d'emprunter, système bancaire fragilisé)
  • Crise diplomatique (sanctions, isolement)
  • Crise sécuritaire (incapacité à affronter les menaces sans alliés crédibles)
  • Crise politique (Constituante contestée, tensions communautaires)

Ce que les Ivoiriens méritent vraiment

Les Ivoiriens ont raison d'être frustrés. Malgré 15 ans de croissance soutenue, 40% de la population reste pauvre. Les multinationales captent une part importante de la valeur créée. Les jeunes peinent à trouver du travail. Les services publics (éducation, santé) restent défaillants. La corruption persiste.

Mais la réponse à ces frustrations légitimes n'est pas un programme démagogique promettant la rupture totale sans avoir les moyens de gérer les conséquences.

Ce que les Ivoiriens méritent, c'est :

  1. Un programme honnête qui dit la vérité sur les délais, les coûts, les sacrifices nécessaires
  2. Des priorités claires : concentrer les ressources limitées sur 3-5 objectifs majeurs plutôt que disperser sur 42 propositions
  3. Un financement réaliste : mobiliser l'épargne domestique, attirer les IDE stratégiques, optimiser la fiscalité, investir intelligemment
  4. Une ouverture stratégique : négocier de meilleurs accords avec les partenaires actuels, diversifier vers de nouveaux partenaires, tout en gardant le contrôle des décisions stratégiques
  5. Un développement du capital humain : investir massivement dans l'éducation de qualité, la formation technique, l'enseignement supérieur d'excellence
  6. Une transformation progressive : commencer par les secteurs où les compétences locales existent, monter en gamme progressivement, créer des champions nationaux viables
  7. Un État exemplaire : lutter vraiment contre la corruption, améliorer la gouvernance, professionnaliser l'administration, rendre des comptes

La souveraineté réelle ne se construit pas en chassant les partenaires étrangers. Elle se construit en devenant suffisamment fort pour négocier d'égal à égal, en possédant les compétences pour ne plus dépendre, en créant de la valeur localement pour ne plus être un simple fournisseur de matières premières.

Ce chemin est long, exigeant, parfois ingrat. Mais c'est le seul qui fonctionne. Tous les pays émergents qui ont réussi (Corée du Sud, Singapour, Malaisie, Chine, Vietnam) ont suivi cette voie : ouverture stratégique, investissement dans le capital humain, montée en gamme progressive, partenariats bien négociés.

Aucun n'a réussi en s'isolant, en nationalisant tout, en chassant les investisseurs étrangers.

Verdict final : un programme irresponsable déguisé en alternative courageuse

Le programme d'Ahoua Don-Mello présente toutes les caractéristiques d'un programme populiste irresponsable :

✓ Flatte les frustrations sans résoudre les problèmes ✓ Promet des solutions simples à des problèmes complexes ✓ Désigne des boucs émissaires (France, multinationales, "système hégémonique") ✓ Ignore les contraintes économiques et géopolitiques ✓ Ne chiffre aucun coût ✓ Ne priorise rien (donc ne fera rien correctement) ✓ Propose des ruptures brutales sans plan de transition ✓ Fait abstraction des compétences humaines nécessaires ✓ Mise tout sur un financement imaginaire (fonds souverain fantôme) ✓ Confond souveraineté et autarcie

Ce programme ne libérera pas la Côte d'Ivoire. Il la plongera dans une crise économique, diplomatique et politique dont elle mettra des décennies à se remettre.

Les intentions d'Ahoua Don-Mello sont peut-être louables. Sa sincérité est probablement réelle. Mais l'enfer est pavé de bonnes intentions. Gouverner ne se limite pas à avoir des convictions fortes et une vision idéologique claire. Il faut aussi :

  • Comprendre les réalités économiques
  • Maîtriser les équilibres géopolitiques
  • Posséder des compétences de gestion
  • Savoir négocier et bâtir des consensus
  • Accepter les contraintes et composer avec elles

Le programme ADM échoue sur tous ces critères.

Si les Ivoiriens veulent vraiment la souveraineté, le développement, et la dignité, ils doivent exiger de leurs candidats :

  • De l'honnêteté (dire ce qui est vraiment faisable)
  • Du réalisme (proposer ce qui peut fonctionner)
  • De la compétence (démontrer qu'on sait gérer)
  • De la responsabilité (assumer les choix difficiles)

Le programme ADM ne coche aucune de ces cases. Il représente non pas une alternative crédible, mais un risque existentiel pour la stabilité et l'avenir de la Côte d'Ivoire.

La vraie question n'est donc pas de savoir si ce programme est bon ou mauvais. La vraie question est : les Ivoiriens sont-ils prêts à sacrifier leur pays sur l'autel d'une expérimentation idéologique vouée à l'échec ?

L'histoire suggère que non. Mais le populisme a cette capacité troublante de faire oublier les leçons du passé en promettant un avenir radieux qui ne vient jamais.

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